La divinité de Jésus a longtemps posé un problème aux Églises et les grands conciles de Nicée (325) et de Chalcédoine (451) n’ont pas vraiment clarifié la question. Ils ont employé des termes abstraits que chacun comprenait différemment suivant sa culture. Ainsi en va-t-il du mot grec omoousios que l’on peut comprendre comme de « même substance », ou « de même essence » ou encore « de même nature ». Et le mot upostasis peut être aussi compris comme la substance ou la personne. Entre la substance, la personne et la nature, les conclusions des conciles n’ont pas été limpides. Aussi ont-ils plutôt compliqué la question de sorte que les disputes, excommunications et violences ont encore continué pendant des siècles autour de cette question.
Aujourd’hui encore, certains théologiens voient dans le Nouveau Testament l’affirmation que Jésus était Dieu, alors que d’autres y voient, au contraire, la négation de cette affirmation. Clément de Rome, dans sa deuxième épître, écrit vers 120 : « Frères, il nous faut considérer Jésus Christ comme Dieu ». Ceci prouve bien que, en ce début du deuxième siècle, la divinité de Jésus n’était pas admise partout. Mon sentiment est que cette idée a dû commencer à se répandre assez largement dans le christianisme justement au tournant du premier et du deuxième siècle.
Une évolution perceptible dans le Nouveau Testament
Ainsi Paul, qui écrit entre les années 50 et 60, ne confond jamais Jésus et Dieu. Pour l’apôtre, Jésus est le Messie annoncé par les prophètes. Il n’a jamais été question que ce Messie soit un Dieu. D’ailleurs, comment Jésus aurait-il pu ressusciter s’il était Dieu ? Les dieux ne ressuscitent pas. Lorsque Paul écrit en I Co 11 : « Le chef de la femme c’est l’homme, le chef de l’homme c’est le Christ et le chef du Christ c’est Dieu », il établit une hiérarchie, certes discutable, mais il montre bien que pour lui le Christ n’est pas Dieu. Évidemment le mot Seigneur (Kurios) qu’il emploie aussi bien pour désigner Dieu que Jésus peut prêter à confusion. L’expression montre surtout le respect que l’on doit aux deux personnages. Comme le maître de maison, l’empereur est aussi Kurios.
Les évangiles synoptiques, écrits entre 70 et 90, ne parlent pas davantage d’un Jésus qui serait Dieu. Encore moins l’évangile apocryphe de Thomas. Cependant, on s’en rapproche plus avec l’évangile de Jean et particulièrement son prologue. Mais justement cet évangile a été écrit aux alentours des deux premiers siècles et l’idée d’un Jésus-Dieu avait fait son chemin dans certains milieux. L’école johannique développe une sorte de fusion entre Dieu et Jésus. Et lorsque ce dernier déclare qu’il est « sorti de Dieu » (Jean 8,42) on peut se demander si c’est Jésus qui parle ou l’évangéliste. Le Jésus johannique est bien davantage « uni au Père » que le Jésus des synoptiques.
Quoi qu’il en soit, à partir du deuxième siècle, et pour longtemps encore, ont coexisté des doctrines opposées : celles qui niaient la divinité de Jésus, et celles qui niaient son humanité. Avec toutes les hypothèses intermédiaires. Comme déjà dit, les grands conciles ont trouvé des compromis pour maintenir l’unité de l’Église et de l’Empire, imaginant que Jésus pouvait être à la fois vrai homme et vrai Dieu. Ils ont eu bien du mal à convaincre. On se rend compte aujourd’hui que le problème était mal posé.
De quel Jésus parle-t-on ?
L’Église ancienne ne se posait pas le problème de l’historicité de tout ce qui est rapporté dans les évangiles. Il n’y avait pas de distinction possible entre le Jésus raconté par ceux-ci, celui raconté par les Églises et le Jésus de l’histoire. Car les Écritures et les discours des Églises étaient en même temps vérité spirituelle et vérité historique. L’expression même de Jésus historique était donc inconcevable.
Cette question a commencé à évoluer à l’approche du siècle des Lumières, alors que se développaient la science de l’histoire et l’étude critique des textes. Celles-ci ont cherché à déceler ce qu’il pouvait y avoir, dans un texte, de souvenirs historiques et de développements ultérieurs destinés à servir des vérités spirituelles. Au XVIIe siècle, quelques théologiens éclairés commençaient à dire qu’il existait un écart certain entre le Jésus historique et celui présenté par le Nouveau Testament. Ils ne furent pas du tout suivis par leurs Églises. C’est vraiment au XIXe siècle que les théologiens protestants allemands, que l’on regroupera sous le terme général “ d’école libérale allemande ”, prirent le problème à bras le corps, ne voulant pas que le christianisme échappe au domaine de la raison. Ils ont donc cherché à reconstituer des “ vies de Jésus ” en s’aidant des nouvelles techniques de la critique historique. Ce premier mouvement fut critiqué, particulièrement par Rudolf Bultmann et Albert Schweitzer, car il n’excluait pas une certaine subjectivité, chaque théologien ayant tendance à retrouver dans les textes le Jésus qu’il souhaitait
Ce qui est à peu près certain aujourd’hui, aussi bien du côté des historiens que des théologiens libéraux, c’est qu’un certain Jésus a traversé l’histoire, entraînant un mouvement religieux incroyable, mais qu’il est bien difficile de savoir précisément ce qu’il a fait et ce qu’il a dit. Car les évangiles sont des documents de foi et ne cherchent pas à relater des faits historiques précis que d’ailleurs les auteurs ne connaissaient pas par eux-mêmes, n’ayant pas fait partie de l’entourage de Jésus. Il faut donc distinguer le Jésus historique qui a existé mais que nous ne connaissons pas et les Jésus de la foi qui peuvent prendre des formes assez diverses, suivant les évangiles ou les épîtres et a fortiori suivant les Églises et les théologiens.
Si bien que, lorsque l’on se demande si Jésus était un homme ou bien Dieu, de qui parle-t-on ?
Concernant le Jésus historique, celui qui a réellement existé en chair et en os et que l’on n’approche qu’à travers le voile opaque des écrits néotestamentaires, la raison me parle. Il ne se distingue pas de nous par la constitution de sa personne, il appartient à la même espèce humaine, à la même classe d’être. Il n’était qu’un homme. Certes il était proche de Dieu, plus que bien d’autres. Certes, il nous a légué une Parole exceptionnelle et tout à fait indispensable pour rendre les hommes meilleurs. Mais c’était un homme. Ensuite à partir de cette réalité évidente dictée par la raison, les Églises naissantes et les divers christianismes ont construit leur foi, allant jusqu’à diviniser ce Jésus qui est devenu le Christ de la foi.
En résumé, le Jésus historique était un homme. Le Christ de la foi est devenu, pour certains, un Dieu. Mais l’expression a des contours incertains, car qu’est-ce que Dieu ? Et qu’est-ce qu’un homme qui est aussi Dieu ? La majorité de nos contemporains ne fait pas la différence entre le Jésus historique et le Christ de la foi. Le discours majoritaire des Églises ne leur a rien appris sur ce sujet. Comme ils ne peuvent accepter qu’un homme soit aussi Dieu, et bien d’autres choses encore, ils fuient la religion chrétienne. Et comme ils la fuient, ils ne peuvent pas être au courant des conceptions modernes ci-dessus esquissées. Cercle vicieux.
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Très bon article de qualité .
Je présente seulement une autre hypothèse: Qu’importe ce que chacun pense :qui est Dieu?, qui est jésus?
L’essentiel ,c’est la relation que j’entretien avec lui. Quand il me parle, comment je reçois son message et comment je lui réponds.
C’est cette relation qui est ma Foi. elle est mon existence: « Je suis le Chemin , la Vérité et la Vie……… » nous dit Jésus.
N’importe-t-il pas à Dieu et à Jésus-Christ d’être ce qu’Ils sont ? Et que nous sachions en vérité qui Ils sont ? Chemin, Vérité et Vie n’autorisent pas un relativisme propre à chacun. Il n’existe qu’une Vérité créatrice d’Unité. Comment « cheminer » en Esprit et Vérité, car tels sont les adorateurs que recherche le Père, si chacun chemine avec Celui qui Est mais serait étranger ou différent à l’autre en ce qu’Il Est ?
Le Christ à bien dit ceci : le père est plus » GRAND » que moi…où encore ; je suis le fils de l’homme…nous sommes tous issu d’un géniteur » potentiel » qu’est l’homme…mais selon moi , Jésus était souvent incompris dans ses » paraboles « …fils de l’homme , où fils de Dieu…? ( L’Eternel ) signifie tout simplement : fils de la nature toute puissante qui dépasse notre entendement , Dieu est insondable et on ne peut l’imager…lire exode 20:4 : Tu ne te feras point d’image taillée , ni de représentation quelconque…etc ( ex : MOÏSE et le buisson ardent )…nous sommes tous les enfants du » créateur » , symbole de l’évolution progressive de l’homme et du monde animal sur terre. L’essentiel , c’est d’avoir la » foi » en Christ qui » intercède » auprès du père en son nom pour que nos prières soient exaucées.Et puis il a encore dit ceci : je ne suis pas venu abolir la « loi » ( MOSAÏQUE ) mais l’accomplir… Ceci dit , cet » article » était très intéressant…
Merci,
Superbe article effectivement.
Vos trois commentaires également.
Pour « moi »,aucun doute Jésus n’est pas Dieu mais son fils, comme nous tous donc notre Frère et à ce titre je dirai notre grand frère celui qui nous montre le chemin.
Alors essayons de le suivre et travaillons à la Basilliea tou Théou…..
Que de mensonges et d’omissions en si peu de lignes. Un discours qui séduira peut-être des novices mais qui révoltera tout lecteur averti de la Bible.
Comment peut-on en effet nier la divinité du Christ quand celle-ci est pourtant développée explicitement dans les écrits auxquels vous faîtes référence ? Je développe quelques exemples tirés des Évangiles synoptiques qui, selon vous, ne permettent pourtant pas de défendre la divinité de Jésus:
– L’utilisation du terme grec « Kyrios » pour désigner Jésus comme « Seigneur » est appliqué de la même manière à Dieu dans l’Ancien Testament.
– L’annonce de la naissance de Jésus aux bergers dans l’Évangile selon Saint-Luc par l’ange : « il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2,11). Jésus est non seulement le Christ (sa fonction) mais le Seigneur (sa nature divine).
– Les mages apportent, parmi les présents dont la signification est hautement symbolique, de l’encens en référence à sa nature divine (Mt 2,11).
– L’annonce de la venue prochaine de Jésus est mise sur le même plan que celle de Dieu lui-même à travers la prédication de Jean le Baptiste au désert (accomplissement de la prophétie de Malachie).
– L’appel de Pierre dans l’Évangile selon Saint-Luc est une théophanie incontestable. Prenant conscience d’être en présence de Dieu, il est saisi de crainte et se reconnaît comme pécheur.
– Jésus pardonne les péchés au paralytique, à la stupéfaction de la foule qui reconnaît qu’il s’agit là d’un attribut uniquement divin.
– Jésus commande les éléments naturels en ordonnant au vent et aux vagues de cesser, obligeant les témoins à s’interroger sur son identité profonde: » Qui est- il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4,41)
– L’épisode de la Transfiguration est une manifestation éclatante de la divinité de Jésus. Le Royaume de Dieu se manifeste en sa personne auprès des quelques apôtres présents.
– Jésus est dans l’intimité de Dieu le Père comme aucun homme ne pourrait l’être : « Toutes choses m’ont été données par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père; personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Mt 11,27)
– A la fin des temps, c’est Jésus qui reviendra pour juger le monde et l’humanité. Aucun homme ne possèderait une quelconque légitimité / capacité pour accomplir un tel acte.
Au royaume des borgnes, l’aveugle est roi !
J’oubliais un autre passage clé des Évangiles qui est essentiel : le sermon sur la Montagne de l’Évangile selon Saint-Matthieu où le Christ fait connaître la Loi dans sa plénitude, n’hésitant pas à prendre une certaine distanciation avec Moise. Aucun homme ne serait légitime pour dire : « Vous avez appris qu’il a été dit… eh bien moi, je vous dis ». Le Christ la donne avec son autorité divine et la pousse dans ce qu’elle a de plus noble!
Sans oublier le verset qui ouvre ce sermon, dont la teneur est fortement symbolique : alors que Moise gravissait la montagne pour recevoir la Loi de Dieu, dans l’Évangile, Jésus qui, en haut de la montagne, fait connaître la Loi en plénitude, sa volonté et celle de son Père en tant que Dieu. Nous sommes face à une démonstration éclatante de la divinité de Jésus.
Encore faut-il être capable de faire abstraction de ses positions partisanes pour ouvrir son esprit et son intelligence à l’Écriture.