La foi n’arrête pas l’histoire mais la commence sans cesse. Elle a pour œuvre la patience, mais la patience à son tour doit œuvrer. La vie chrétienne rebondit d’œuvre en œuvre. Mais, faut-il le redire, ceci n’est vrai de la personne que si c’est d’abord vrai de la communauté ecclésiale dans la dimension politique de son service, c’est-à-dire dans l’accomplissement de la tâche qui lui est confiée par le Seigneur.
Tout ceci doit être poursuivi pour que vous soyez vous-mêmes parfaits et accomplis… Cet accomplissement personnel est donc bien compris dans le mouvement d’œuvre en œuvre. Il ne désigne pas un repos, un état, mais précisément une trajectoire. La perfection ne saurait consister à loucher sur la fin, et par là même négliger une transcription historique considérée comme une perte de temps inutile. C’est cependant là la perfection du monde « religieux » : savoir trouver l’accès au temps originel qui délivre du temps historique. Le religieux l’obtient par sa participation au rite qui n’est rien d’autre qu’une représentation d’un fragment du temps originel. De sorte que pour le religieux, la perfection se trouve hors de l’histoire et dans la nostalgie d’un temps originel non historique. Tant il est vrai que pour lui la seule histoire significative ne coïncide qu’avec le mythe.
Avec la foi chrétienne, le monde du religieux est dépassé. La perfection est désormais liée à l’histoire, et même elle est la capacité miraculeuse d’être authentiquement historique (au sens où l’on met pleinement en œuvre une histoire pleine, adéquate au mouvement de la Sagesse qui conduit le monde entier).
La pleine saveur historique, la lourde et adéquate présence à l’histoire de l’homme de la patience, c’est qu’il ne lui manque rien. L’expression signifie littéralement « que vous ne soyez pas laissés en arrière». C’est une expression très chronologique. Celui qui n’est pas patient reste en retard ! Il ne peut pas suivre, et il est laissé en route ! Du coup il est déphasé complètement et tout est à contretemps. On pense d’ordinaire que l’impatient est en avance sur son temps. L’épître nous montre qu’il est en arrière. Ses coups portent dans le vide, là où il n’y a plus rien ! Son agitation ne peut sécréter que du passé. (A cet égard, la catastrophe de 70 fut le résultat de l’impatience zélote : par rapport à Jérémie et sa lettre aux captifs, ils avaient plus de six siècles de retard !). Inversement la patience est toujours à l’heure ! Car elle est l’acte de foi, l’actualité de la Sagesse. Elle est la difficile conjugaison au présent des verbes de l’espérance et du Royaume…
Notons le renversement de situation : l’Église n’a pas à se demander si la parousie est en retard, mais si elle, communauté du Seigneur, n’est pas en arrière…..
Le pasteur Louis Simon était un prédicateur renommé. Il n’aimait pas écrire, prétendant que la Parole devait être proclamée à haute voix. Cependant, sur l’insistance de l’éditeur Labor et Fides, il consentit à écrire un seul livre, pendant son ministère, un commentaire de l’Épître de Jacques : Une Éthique de la Sagesse, d’où est tiré ce passage.
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