En 1529, des princes allemands favorables à Luther « protestent » contre un décret de l’Empereur Charles Quint qui exigeait leur soumission. On les a qualifiés de protestants ; cette appellation date des débuts de la Réforme. Le terme de protestantisme apparaît plus tard au cours du XVIIe siècle. On a parlé d’abord de « protestants » et ensuite de « protestantisme », ce qui conduit à se demander : s’il y a des protestants depuis 1529, et quand le protestantisme apparaît-il ? À cette question, on a donné quatre réponses.
1. Pour la première, le protestantisme naît de l’échec de la Réforme. Au départ, les protestants voulaient un renouveau de la chrétienté tout entière. Ils n’y parviennent pas, ce qui les conduit au cours du XVIe siècle à renoncer à leur projet initial pour créer et organiser un protestantisme à côté et en face du catholicisme.
2. D’autres estiment que c’est au XVIIe siècle que les Églises issues de la Réforme découvrent leur proximité et tissent entre elles des liens suffisants pour justifier l’étiquette commune de « protestantisme ». Au début très différentes voire opposées, elles se rapprochent et s’allient pour faire face à la contre-offensive catholique qu’illustre la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685.
3. En troisième lieu, on a soutenu que le protestantisme ne surgit véritablement qu’à la fin du XVIIIe siècle. La Réforme en est la préhistoire ; elle met en route une longue gestation qui arrive à terme à ce moment-là. Si les luthériens et les réformés des XVIe et XVIIe siècles polémiquent contre le catholicisme de leur temps, ils en sont néanmoins très proches. Ils ont des notions et des conceptions semblables, des comportements et des manières de pensée presque identiques, ainsi que des formes voisines de piété. Ils sont des catholiques dissidents, pas vraiment protestants, encore catholiques bien que dissidents.
Plusieurs facteurs font passer de la Réforme au protestantisme : le développement de la critique historique et littéraire modifie la lecture et l’interprétation de la Bible ; la société se sécularise et une « cité chrétienne » qui entremêle étroitement Église et État ne paraît plus ni possible ni souhaitable ; on se préoccupe davantage du « sentiment religieux » que de la rigueur doctrinale. Ces changements font émerger une religion éloignée et différente de celle du temps de la Réforme, même s’il existe aussi des continuités ; les principes fondamentaux demeurent, mais on les applique autrement.
4. Pour la quatrième réponse, il y a toujours eu, déjà dans la Bible, puis dans le christianisme, des courants protestants. En Israël, dans le Nouveau Testament, durant l’histoire de l’Église, une foi dynamique, prophétique et protestataire s’est constamment opposée à une religion autoritaire, dogmatique et cléricale. Si le protestantisme a suscité des Églises séparées et distinctes seulement au XVIe siècle, en fait il existait auparavant sous diverses formes. Loin de le créer ou de l’inventer, la Réforme est une de ses manifestations, peut-être la plus importante, parmi d’autres qui la précèdent et la suivent.
Ces quatre réponses ne s’excluent pas. On peut les combiner en disant que le protestantisme est un mouvement religieux et spirituel aux origines et aux résurgences multiples. Il a précédé le XVIe siècle ; à la Réforme il a rompu avec le catholicisme ; il s’est profondément transformé à la fin du XVIIIe siècle et il continue aujourd’hui à se renouveler. Il passe sans cesse par de nouvelles naissances
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