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La Maison des Journalistes, un havre pour les réfugiés d’opinion

 

«J’ai quitté le Maroc suite à une série d’attaques contre ma personne », nous confie Hicham Mansouri. « Mes ennuis avec la police marocaine ont commencé en 2011, quand j’ai reçu des menaces suite à mon enquête sur “le parcours infernal et humiliant pour changer sa carte nationale ».

« Le soir du 24 septembre 2014 à Rabat, alors que je sortais d’une réunion avec l’historien et militant des droits humains Maâti Monjib, j’ai été violemment agressé par deux inconnus. En quelques minutes, ils m’ont roué de coups et ont pris la fuite à bord d’un véhicule qui les attendait.

« Le 17 mars 2015 au matin, alors que je menais une enquête sur la « surveillance électronique », 10 agents de police en civil ont défoncé la porte de mon appartement, m’ont violemment agressé, m’ont déshabillé et m’ont filmé. Je suis alors poursuivi pour « tenue d’un local pour prostitution » ! Et condamné à 10 mois de prison. Une peine que j’ai passée en intégralité dans des conditions très difficiles. En effet, on m’a affecté dans le bloc « D » appelé par les prisonniers « Zebbala » (la « poubelle » en arabe). J’étais, dans ma cellule, avec 40 prisonniers de droit commun, alors que sa capacité d’accueil ne dépasse pas 24 personnes. J’ai fait une tachycardie la première nuit. Le gardien m’a fait sortir, m’a insulté et m’a menacé avant de demander à un prisonnier de me jeter un seau d’eau froide puis il m’a ramené dans la cellule. Il fallait dormir par terre, et comme j’étais le dernier venu, je dormais près des toilettes sur un sol mouillé. J’ai vite été envahi de poux. Les prisonniers consomment des drogues, fument des cigarettes et du cannabis jusqu’à 3 heure du matin. Ils sont agressifs, se bagarrent et s’automutilent. Deux prisonniers de la cellule ont perdu la raison. L’un d’entre eux lançait des objets.

« Lors d’une promenade, les prisonniers de la cellule voisine nous ont attaqués avec des couteaux et des lames de rasoir. Ils ne faisaient pas de différence entre nous. Personne ne nous est venu en aide, j’ai eu la chance de ne pas être blessé.

« À ma sortie de prison, je me retrouve devant un nouveau procès pour “atteinte à la sécurité de l’État”sur la base de mon travail avec l’ONG Free press unlimited. C’est le juge qui m’a mis en prison qui est chargé de cette nouvelle affaire. Ayant perdu toute confiance en la justice marocaine, j’ai pris le premier vol vers la Tunisie pour me rendre ensuite en Europe. »

une rencontre « renvoyé spécial » à la Maison des Journalistes, avec romaric Kenzo-chembo.
Photo lisa viola rossi/Maison des Journalistes

Vous êtes hébergé dans La Maison des Journalistes à Paris (MDJ), quelle est sa mission ?

« La MDJ a été créée en 2002. C’est un lieu unique au monde qui accueille et accompagne des professionnels des médias réfugiés de divers pays. C’est un véritable baromètre de la liberté de la presse et d’expression. Depuis sa création la MDJ a accueilli 360 journalistes. En plus de cette mission, cette structure mène des opérations d’information dans des lycées et des prisons. Les résidents peuvent également continuer à publier leurs articles dans son journal L’œil de l’exilé. Par ailleurs, le réseau de la MDJ permet aux résidents de rencontrer les professionnels des médias, de découvrir le paysage médiatique français et de l’intégrer. »

 Quels contacts avez-vous avec les autres journalistes de la MDJ ?

« Au début, j’avais peur de me retrouver dans une sorte de “foyer” où règne une approche de victimisation. Dès le premier jour, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’une structure qui “protège du froid et qui offre la soupe le soir” à de pauvres victimes de la répression, mais qu’il s’agit d’une maison qui ouvre ses portes aux membres de la grande famille de la “liberté de presse et d’expression”. Ici nous avons beaucoup de points en commun : nous avons tous payé le prix de notre engagement pour la liberté d’expression et la défense des droits humains. Les parcours sont différents mais les histoires se ressemblent. Nous échangeons beaucoup et nous découvrons les cultures des uns et des autres. C’est la même chose avec le staff et les bénévoles de la MDJ. »

Propos recueillis par Jean-Paul Augier

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À propos Hicham Mansouri

est un journaliste marocain en exil en France. Il a travaillé pour le journal Machahid, l’ONG néerlandaise Free press unlimited et l’ONG danoise International media support. De 2013 à 2015, il a dirigé les programmes de formation de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation.

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