Accueil / Conviction / Une Église de multitude

Une Église de multitude

N8-2006-10-13-006La force de notre Église protestante unie de France est qu’elle rassemble des chrétiens qui ont des façons de croire extrêmement variées, voire parfois assez opposées. Nous appelons ce type d’Église « multitudiniste » par opposition aux Églises confessantes, rassemblées autour d’une même confession de foi. Entre ceux qui croient au miracle et ceux qui n’y croient pas, ceux qui voient Dieu modelant le monde à sa façon et ceux qui le voient plutôt comme une force intérieure poussant l’homme vers le bien, nous observons de grands écarts. Sans compter les sujets essentiels comme la résurrection, le rôle de la grâce, la divinité du Christ, le sens du salut, l’art de rester fidèle aux Écritures, etc.

Et pourtant nous vivons ensemble, luthériens et réformés, évangéliques, orthodoxes et libéraux. Nous ne pensons pas la foi de la même façon, nous avons même parfois du mal à nous comprendre, mais nous appartenons à la même Église issue de la Réforme. Cette Église ne peut pas être « confessante » car aucune confession de foi ne peut convenir à l’ensemble de la multitude. Et nous ne pouvons pas nous rassembler sur des dogmes car il n’y a personne, dans le protestantisme, pour proclamer les dogmes. Si nous enlevions d’une hypothétique confession de foi ce qui ne convient pas à une partie notable des membres de notre Église, et ce qui ne convient pas à une autre partie et à une troisième, il ne resterait pas grand-chose, au bout du compte, ou il resterait des phrases tellement édulcorées qu’elles perdraient toute force, toute expression significative de la foi.

Mais alors nous sommes rassemblés par quoi ? Autour de quelle communion ? Justement par le fait que nous n’avons pas de confession de foi commune et par le fait que la fidélité à la Parole de Dieu, telle que révélée par Jésus, ne consiste pas à croire tous de la même manière ; mais plutôt à écouter cette parole et à en tenir compte dans nos vies, pour être ouverts aux problèmes des hommes. Du moins c’est ma façon de voir. D’après les évangiles, Jésus ne s’est pas beaucoup préoccupé de l’expression de la nouvelle foi. « Qui-conque fait la volonté de mon père, celui-là est mon frère » (Mt 12,46). Voilà ce qui nous rassemble : faire la volonté de Dieu. Non pas croire, mais faire. Les juifs et les musulmans l’ont bien compris ; ils se rassemblent d’abord autour d’une pratique, qui évidemment doit être adaptée à l’époque. Et comme l’écrit si bien Jean- Jacques Rousseau à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris : « Mon maître a peu subtilisé sur le dogme et beaucoup insisté sur les devoirs ; il prescrivait moins d’articles de foi que de bonnes œuvres ; il n’ordonnait de croire que ce qui était nécessaire pour être bon ; quand il résumait la Loi et les Prophètes c’était bien plus dans des actes de vertu que dans des formules de croyance, et il m’a dit par lui-même et par ses apôtres que celui qui aime son frère a accompli la Loi. »

Le musée virtuel du protestantisme a une vision encore plus large puisqu’il écrit qu’une Église multitudiniste « se dit d’une Église qui accueille en son sein tous ceux qui cherchent Dieu ». Cherchons Dieu et le reste nous sera donné par surcroît.

Alors, faute de confession de foi, l’EPUdF réfléchit à une déclaration de foi. La différence est subtile et pas bien claire. Il semblerait, d’après l’Encyclopédie du protestantisme, que la déclaration de foi consiste à reformuler, dans un temps et dans des circonstances précis, la foi de toujours. Une sorte d’actualisation : le sens de la foi pour le temps présent. Nous sommes donc devant la même difficulté : comment cette reformulation pourrait- elle résumer un éventail de pensées aussi large que celui d’aujourd’hui dans notre protestantisme ? Mais est-elle vraiment nécessaire ?

Lorsqu’il s’agissait de marquer sa différence avec les religions païennes ou de combattre ce qui était considéré comme des hérésies, lorsqu’il s’agissait de marquer sa différence avec l’Église catholique romaine, on comprend que des déclarations de foi (ou des confessions) aient été nécessaires. Mais lorsqu’il s’agit au contraire de poursuivre une union déjà réalisée, la nécessité est moins évidente.

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

Un commentaire

  1. pele.francoise@sfr.fr'

    Et la confession de foi de La Rochelle, alors, c’est quoi ???

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.