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9. Comment Jésus est-il ressuscité

 

Louis Pernot 3Le christianisme insiste beaucoup sur le fait qu’être chrétien, c’est croire dans la résurrection du Christ. Mais comment est-il ressuscité ? On trouve une grande diversité de réponses à cette question : certains croient à une résurrection très corporelle : Jésus revient à la vie, enlève les bandelettes, roule la pierre et va apparaître aux disciples ; d’autres, à l’opposé, diront que les récits bibliques ne sont que les expressions imagées de l’expérience spirituelle des disciples : Jésus est vraiment mort physiquement, mais ils découvrent qu’en fait tout ce qu’il a dit, fait et transmis reste valable, et qu’il est spirituellement présent avec eux pour les accompagner sur une nouvelle route.

Dans la Bible elle-même, on trouve les deux tendances, certains textes veulent nous faire croire à un type de présence très matérielle, on y voit Jésus mangeant du poisson avec ses disciples (Luc 24,37 ss). D’autres présentent le Jésus ressuscité sous un aspect plus spirituel : il n’est pas reconnu, il passe à travers les murs ; il se trouve en même temps à deux endroits. Dans ce sens aussi va le fait que le Christ ressuscité n’apparaît qu’aux croyants : il ne vient pas prendre sa revanche en se présentant à Pilate ou aux chefs des Judéens pour les confondre. Sa présence n’est donc pas objective, mais montrée comme une expérience qui se fait dans la foi.

L’aspect subjectif de la résurrection du Christ est confirmé par le fait qu’il n’y a aucune cohérence entre les évangiles concernant les récits d’apparitions. Sur le ministère de Jésus, les évangiles sont très parallèles,mais dès qu’il s’agit des apparitions, chaque évangile a des récits différents. On est dans un mode de présence du ressuscité qui n’est pas objectif, mais une expérience personnelle.

Quant à Paul, il n’est pas du tout dans le corporel. Dans son beau chapitre de 1 Co 15, il insiste sur l’importance de la résurrection de Jésus en disant « si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine » ; il parle des apparitions à Pierre et aux douze, mais il conclut en disant que Christ lui est apparu enfin à lui de la même manière. Or d’après le schéma de Luc, Jésus aurait dû ne pas lui apparaître : pour l’évangéliste, Jésus ressuscite le 3e jour, puis apparaît jusqu’à 40 jours après sa mort ; là son corps est élevé au Ciel (Ascension), il n’apparaît plus alors, et 10 jours après, c’est la Pentecôte. Or Paul s’est converti bien plus tard. Le seul événement auquel il peut faire référence, c’est sa vocation sur le chemin de Damas, expérience racontée trois fois dans la Bible. Il y est question d’une lumière, d’une voix, parfois les compagnons voient la lumière, mais n’entendent pas la voix, parfois c’est le contraire, mais il n’y a en tout cas rien à voir, et aucun corps physique ! Pour Paul donc, ce qu’il présente comme une apparition à son égard n’est que son expérience de conversion.

D’ailleurs, l’étude historique des textes montre que bien des récits de résurrection ont été ajoutés tardivement. La pêche miraculeuse de Jean est attribuée au Christ avant sa mort dans les autres évangiles, et on voit dans Marc les traces de plusieurs fins auxquelles on a ajouté des textes. Le seul événement objectif que partagent tous les évangiles, et sur lequel ils devaient primitivement finir, c’est le tombeau vide. Les témoins vont pour adorer le corps de Jésus et ils trouvent un tombeau vide. Le message est clair, il ne faut pas chercher la présence du Christ dans un tombeau ou un cadavre, il est « au ciel », c’est-à-dire à chercher dans le domaine du spirituel.

Ce qu’il est advenu physiquement du corps de Jésus, peu importe. Ceux qui aiment les miracles peuvent y croire, les autres trouveront un indice dans la précaution extrême (et donc suspecte) qu’a Matthieu pour dire qu’il ne faut surtout pas penser que ce pourrait être les disciples qui l’auraient enlevé (pour le mettre dans un endroit plus discret, comme une fosse commune, afin d’éviter toute tentative d’adoration de relique morbide).

Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est que les récits d’apparition de Jésus sont à prendre avec la plus extrême précaution, et sans doute pas comme des comptes rendus journalistiques d’un événement matériel objectif. De toute façon, nous n’y étions pas, et il est impossible de savoir avec certitude ce qui s’est passé. Ce qui est important pour nous aujourd’hui, ce n’est pas de savoir comment Jésus est apparu il y a deux mille ans à l’un ou à l’autre, mais comment il peut être présent et vivant pour nous aujourd’hui. Il ne faut pas en effet confondre « résurrection » et « apparition ». On peut croire à l’un sans croire à l’autre. On peut croire que Jésus est ressuscité, qu’il est vivant aujourd’hui, sans croire à la matérialité des apparitions d’avant l’Ascension. Il y aurait même un danger à assimiler les deux, parce que si la résurrection n’est que les apparitions alors il n’est pas ressuscité pour nous, puisqu’aujourd’hui nous ne pouvons espérer rencontrer Jésus en chair et en os au coin d’une rue. Or la bonne nouvelle de l’Évangile, c’est « Christ est ressuscité », « il est vivant », et non pas : il a été ressuscité pendant 40 jours et maintenant il n’est plus vivant physiquement. La bonne nouvelle de la résurrection, c’est donc pour aujourd’hui de savoir comment Christ est encore vivant. Or sur ce point, il n’est pas de doute, c’est bien et purement spirituellement. Quand Jésus dit : « Là où deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu d’eux », nous le croyons et nous le vivons, mais ce n’est pas une présence physique. Le Christ ressuscité d’aujourd’hui est évidemment purement spirituel, il nous accompagne par son enseignement, sa bonne nouvelle, son amour, et l’esprit de Dieu qui était en lui, qu’il nous a donné et qui nous accompagne.

Voir les apparitions comme phénomènes matériels dévalorise même la résurrection du Christ : cela nous en rend étrangers, nous devenons alors les spectateurs d’un événement qui a été une bonne nouvelle pour une poignée de premiers chrétiens, mais dont nous sommes exclus, et nous n’aurions qu’une sorte de sous-résurrection. Or il y a mieux à faire que de se réjouir par procuration, comme spectateurs d’événements passés et révolus ; c’est de lire ces récits comme des paraboles, comme des récits imagés de la manière avec laquelle nous pouvons, nous aujourd’hui, expérimenter le fait que Christ est toujours vivant et qu’il nous accompagne et nous fait vivre. On peut voir dans le récit de Jean les disciples enfermés dans la peur, ce qui nous arrive aussi,et Jésus qui franchit les fermetures pour leur donner la paix, l’esprit, et les envoyer en mission, c’est notre histoire ; ou les pèlerins d’Emmaüs qui cheminent tout tristes, et qui découvrent tout à coup qu’en fait, contrairement aux apparences Jésus cheminait avec eux, présent dans leurs « paroles et recherches ensemble » à son sujet. Si nous lisons spirituellement ces passages, nous pouvons comprendre que c’est de nous qu’il s’agit et que nous pouvons expérimenter ainsi la présence du Christ ressuscité.

C’est cela d’ailleurs la nouvelle de la résurrection, ce qui nous ramène au tombeau vide : il n’y a pas de corps à voir, la présence du Christ est à découvrir autrement, non plus comme un corps, mais comme un esprit qui donne la vie. Christ a traversé la mort, physiquement il est mort, mais la vie est plus que le corps et ce qui en lui était spirituel est vivant pour l’éternité. Il n’y a pas besoin donc d’attendre trois jours pour que Jésus ressuscite : il a traversé la croix en ne laissant derrière lui qu’une dépouille mortelle visible et secondaire. Les trois jours, en fait, c’est le temps qu’il a fallu aux disciples pour comprendre cela.

Quant au corps du Christ, on le retrouve autrement : c’est, d’après Paul, nous-mêmes, les croyants qui devenons le corps du Christ dont il est la tête, puisque le corps sert à agir concrètement dans le monde. Les croyants deviennent pour le Christ ses mains pour agir, ses bras pour embrasser, sa bouche pour parler, ils sont le corps dont il est la tête, et c’est donc dans le croyant que Jésus ressuscite corporellement.

 

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À propos Louis Pernot

est pasteur de l’Église Protestante Unie de France à Paris (Étoile), et chargé de cours à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.

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