Une des caractéristiques du protestantisme est sa pluralité. Le protestantisme est loin d’être monolithique. Dès les origines, la Réforme a suscité plusieurs branches, plusieurs dénominations protestantes : luthérienne, réformée, baptiste, unitarienne, par exemple. Et chacune d’elles est constituée de plusieurs courants (libéralisme, piétisme, fondamentalisme, etc.) et de plusieurs Églises. Pour le(s) protestantisme(s), il est difficile, voire impossible, d’écrire « Église » au singulier, comme on le fait pour le catholicisme romain. Ce qui est monolithique rebute notre conception ecclésiale. Le sens du pluralisme est une vertu typiquement protestante. Il nous familiarise avec l’acceptation heureuse de la diversité. Nous recherchons l’union plutôt que l’unité. Cela invite naturellement à la tolérance, au respect très important de la liberté de conscience.
Notre rapport congénital aux Écritures nous permet de fonder dans la Bible ce sens de la pluralité, tant il est vrai que nous y trouvons différentes théologies et que la seule manière de lui être fidèle est de faire droit à des exégèses variées, de donner une place à cette même mosaïque dans nos options doctrinales et pratiques. Refuser de vivre fraternellement cette diversité, c’est avoir une conception monolithique de l’Église et de son autorité, une conception qui n’est pas la nôtre. La diversité protestante rend compte et tient compte de la pluralité et de la liberté de la révélation divine que nous ne pouvons pas enfermer dans nos mots et nos doctrines humaines.
À l’occasion d’un synode régional de l’Église Protestante Unie de France, des amis d’Évangile et liberté ont distribué, comme cela se fait depuis bien des années, notre mensuel. Libre à chacune et chacun de prendre ou ne pas prendre l’exemplaire ainsi proposé. En fin de séance, un de nos collaborateurs fait remarquer à des synodaux (à savoir trois pasteurs et un « laïc ») assis devant lui qu’ils ont oublié de prendre l’exemplaire en question. Ce numéro était déchiré et laissé par terre. Un tel geste – qui n’est pas simplement l’affirmation d’une libre opposition – me semble gravement contraire à l’esprit protestant. Du temps où, comme professeur de la Faculté protestante de Paris, il m’est arrivé d’assister aux séances de la Commission des ministères de l’Église Réformée de France, il était clairement demandé à chaque candidat(e) au ministère pastoral si il ou elle acceptait de travailler et collaborer fraternellement avec des collègues d’options théologiques différentes. Cet engagement existe-t-il encore ? En tout cas, déchirer ainsi Évangile et liberté me paraît être un refus explicite de cette pluralité qui appartient à la définition même du protestantisme et de notre Église. Plusieurs pasteurs refusent ostensiblement cela ; ils font preuve, à l’intérieur de l’Église Protestante Unie, d’une intolérance qui transforme l’Église en secte.
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