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Bénédiction des couples homosexuels dans les Églises luthériennes scandinaves

 

289_Mai2015_Web-20 Le mariage pour tous, adopté par les parlements suédois et norvégien en 2009, l’année suivante par l’Islande et en 2012 par le Danemark, a ouvert la possibilité du mariage religieux homosexuel dans les Églises nordiques. Mais cette décision intervient alors que ces Églises se séparent progressivement des États, comme ce fut le cas en 2000 en Suède et en 2012 en Norvège.

Progressivement déliées de leur fonction étatique, les Églises nordiques doivent désormais trouver un équilibre entre le libéralisme majoritairement légitimé par les élites politiques et le conservatisme de franges plus orthodoxes, actives et engagées. Dans ce contexte, le débat relatif au mariage homosexuel exacerbe les tensions qui traversent les Églises luthériennes nordiques, partagées entre leur autonomie nouvelle et leur rôle historique d’« Église du peuple » (multitudinisme).

 L’hésitation de l’Église norvégienne

Le gouvernement norvégien ne nomme plus les évêques depuis 2012, date de la séparation de l’Église Bénédiction des couples homosexuels dans les Églises luthériennes scandinaves Frédérique Harry L’évolution des Églises des pays nordiques à propos du « mariage pour tous » a précédé celle des Églises françaises. Mais cette évolution suit des chemins différents selon les pays. vue d’ailleurs et de l’État. En 2013, le premier évêque norvégien nommé par l’Église seule entre en fonction. Il s’agit de Stein Reinertsen, un homme connu pour ses idées conservatrices, qui refuse par exemple de marier des divorcés. Cet événement marque un tournant pour l’Église norvégienne. Là où le gouvernement préférait des profils jugés libéraux et nommait volontairement des évêques femmes ou homosexuelles, parfois contre l’avis du synode et au grand dam des conservateurs, l’institution préfère aujourd’hui des profils plus orthodoxes.

L’adoption d’une liturgie de mariage qui laisserait la place aux homosexuels réveille ces tensions. L’Église norvégienne a théoriquement le droit de procéder au mariage des couples de même sexe mais – et c’est le cœur du débat – elle n’en a pas le devoir. En avril 2014, le synode a voté contre une liturgie de mariage pour les couples de même sexe. Officiellement, il s’agit plus d’une hésitation que d’un refus : on veut préserver l’unité de l’Église et éviter les questions qui fâchent. Mais quelques-uns confient en « off » les dangers d’une telle attitude : si l’adoption d’une liturgie « neutre » peut faire fuir les franges les plus hostiles, cet attentisme peut avoir des effets bien plus graves. Des voix progressistes, de pasteurs ou de laïcs, voire de membres peu pratiquants (la majorité), dénoncent la tiédeur de l’institution et menacent de claquer la porte. Le grand public ne se retrouve plus dans le choix de son Église. Il y voit un archaïsme et un manquement à l’égard de sa vocation populaire. La population – et à sa tête la Première ministre Erna Solberg – s’émeut de ce sursaut et critique ouvertement le décalage de l’Église.

 Le consensus danois

De l’autre côté du Skagerrak, au Danemark, le mariage homosexuel a été autorisé en juin 2012. « L’Église du peuple », n’étant pas (encore) séparée de l’État, peut dès lors marier des couples de même sexe. La hiérarchie ecclésiale danoise, conçue sur un système largement presbytéral, est réduite à son minimum. Les dix évêques du pays ont la reine et le Parlement comme supérieurs directs. La diversité des options est telle qu’une paroisse fondamentaliste peut côtoyer une paroisse libérale, chacun faisant comme il veut en sa demeure. Dans ce contexte, et dans l’esprit de liberté et d’autonomie qui la caractérise, l’Église danoise laisse le choix aux uns et aux autres. Face à un couple de même sexe désirant se marier, le pasteur peut ainsi émettre un droit de réserve. Auquel cas, l’institution a l’obligation d’orienter le couple vers un pasteur favorable qui pourra officier dans la paroisse du couple.

Ces deux exemples montrent une évolution intéressante : en Norvège, où l’Église n’est plus d’État depuis 2012, l’institution montre des traits de « convictionnalisation » qui profitent dans le contexte actuel aux franges plus conservatrices. Au Danemark, où officie encore une Église d’État attachée aux principes d’autonomie locale et de liberté, les questions relatives au mariage homosexuel ne font pas autant débat. L’Église danoise reste un pilier de la culture nationale et veut se définir par son attachement à la liberté de conscience des uns et des autres.

« Nous venons à l’église car ici nous avons notre foyer, Ici tu nous acceptes comme les enfants de ta demeure […] »*
* Début de la deuxième strophe du cantique danois « Hvor kærlighed brænder ». Il a été composé par Benedicte Hammer Præstholm et Christian Præstholm pour la liturgie de mariage des couples de même sexe.

 

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À propos Frédérique Harry

est maître de conférences en Études nordiques à l’Université Paris-Sorbonne. Ses recherches portent sur les phénomènes religieux dans les sociétés nordiques post-sécularisées.

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