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Jésus guérit un sourd-muet

Quand Jésus rencontre un sourd, il n’a pas les mêmes gestes de guérison qu’avec un entendant. Le Messie nous invite à nous adapter à chacun, pour être plus accueillant à tous. Quelle leçon pour nos Églises dans un monde de diversité ?

Deux guérisons advenues et une en attente rythment cet épisode. La première, réussie, est bien sûr la parole retrouvée du sourd et muet. Est-il guéri seulement de cela ? Il est également soigné d’autre chose. Au début, il est baladé par les autres, soigné alors qu’il ne demandait rien. Tout le monde semble décider pour lui. Il est objet. Puis, Jésus le rencontre à l’écart de la foule. Se développe avec Jésus une relation d’individu à individu. Il n’est plus un handicapé, un marginal, un objet, mais une personne.

  Le second à profiter de la guérison de Jésus est Jésus lui-même. Une maladie assez courante le touche : il est atteint d’une atrophie de la sollicitude, entraînant un rétrécissement messianique. Juste avant la guérison du sourd, il avait résisté à intervenir pour une syro-phénicienne (donc païenne), arguant qu’ « il ne serait pas convenant de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens ». Et ne l’avait soigné que retourné par ses arguments. Là, devant le sourd (païen comme elle) Jésus s’exécute sans attendre. Et juste après, il va multiplier les pains, pour des païens. Voilà la première guérison de Jésus : il admet que le projet que Dieu lui a confié déborde les frontières de son ethnie, de sa culture religieuse, de son « normal », de sa norme de référence ; déborde des barrières de genre, de handicap.

  Il est guéri d’une seconde maladie. Dans Marc, les guérisons passent toutes par des mots prononcés et des mains posées. Là, Jésus fait autrement. Des gestes avant les mots, des gestes précis. Les doigts et la salive de Jésus vont toucher où est le mal, désigner où est le problème : les oreilles, la langue. Il n’est plus question d’un geste stéréotypé de guérison, mais d’une série de gestes uniques dans tout l’Évangile, développés une seule fois, pour cette personne sourde, en propre, « kat’ idian » « selon son particulier » (v. 33). Jésus repousse cette maladie contractée par beaucoup d’entre nous et par bien de nos Églises et institutions : le conformisme qui exclut sans le vouloir. Communiquer de la même manière avec tout le monde, n’utiliser que la manière courante, majoritaire, normale de communiquer, d’accueillir, ne laisse-t-elle pas de plus en plus de monde sur le côté dans des sociétés de plus en plus plurielles, presque autant qu’au premier siècle en Palestine ?

  C’est là une des inspirations de ce que le Conseil oecuménique des églises, et de nombreuses églises du Sud ou du monde anglo-saxon appellent d’un nom étrange : l’inclusivité. Quand nos habitudes, nos façons « majoritaires », souvent sans le vouloir, excluent les autres, les minorités, les gens différents, alors l’inclusivité est la recherche de mots et gestes qui incluent, font une place.

  Jésus touche là où se trouve le problème : les oreilles, la langue. Les églises inclusives commencent par dire : « Oui, nous églises, nous avions du mal à vous accueillir, vous qui êtes des indigènes, des pauvres, des handicapés, des personnes gays et lesbiennes. Nous mettons le doigt là où ça nous fait mal et là où ça vous fait mal. » Ensuite, comme Jésus, elles trouvent des signes (intégrer des éléments de culture indigène dans leurs cultes), des mots (par exemple traduire les cultes en langue des signes) pour parler à la personne dans sa langue, « selon son particulier ».

  Le sourd est soigné, Jésus l’est aussi. Mais alors, pour qui la guérison échoue-t-elle ? Pour cette foule qui, au début, considérait le sourd comme un objet et ne s’intéresse toujours pas à lui comme personne, ne parlant pas de lui mais de généralités : « Jésus fait entendre les sourds et parler les muets. » (Mc 7,37) Comment pourrait-on appeler cette maladie ? Cette façon de ne pas voir Ibrahim et Fanta mais « les noirs » ? Jacques et Anne, mais « les cathos » ? Bernard et Roger mais « les homos » ? Le syndrome du paquet ?

  La foule passe à côté du sourd et de Jésus, et de ce que chacun amène selon son particulier, son spécifique, son nouveau. Elle loupe un des secrets du Christ : si l’on sait défaire les paquets, on y trouve des cadeaux..

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À propos Stéphane Lavignotte

Diplômé de l’IEP de Bordeaux et du CFPJ, et docteur en théologie, Stéphane Lavignotte 12 est pasteur de la Mission populaire évangélique à Montreuil (93), et militant écologiste. Il est chargé de cours à la Faculté de théologie protestante de Bruxelles. Ces derniers ouvrages André Dumas : Habiter la vie et L’écologie, champ de bataille théologique.

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