Ce film récent, commenté par Pierre Nambot, nous parle de la difficulté de s’adapter au réel, de l’homme et de la terre, de la guerre et du courage, du chaos et de la résistance.
Nous sommes conduits par la cinéaste Claire Denis dans un pays d’Afrique, où règne un climat de guerre civile. Après trois générations de propriétaires Blancs, une européenne, Maria (Isabelle Huppert), dirige une plantation de café, réalisation des Blancs (White material). Courageuse et volontaire, elle se trouve dans un déni total de la situation et décide de rester coûte que coûte. Elle s’efforce de se fondre dans ce pays, pense qu’elle est y est parvenue et que les Africains ne font pas de différence entre elle et eux. Elle n’est pas consciente du danger qu’elle fait courir à sa famille et s’obstine à faire la récolte du café, malgré les avertissements de l’armée française qui lui demande de partir rapidement. André (Christophe Lambert) son ex-mari ne partage pas ses convictions et redoute son aveuglement et son orgueil. Remarié à une jeune africaine, dont il a un fils, il est prêt à tout pour eux, y compris à trahir Maria. Le maire du village voisin dont il croit être l’ami a d’autres préoccupations que celle de se consacrer à cette famille de Blancs à la dérive, coupée des réalités. Comme Maria, André ne se doute pas que l’officier rebelle dont la tête est mise à prix se cache dans l’exploitation même. La situation devient de plus en plus explosive…
La mise en scène hallucinante tient le spectateur en haleine du début à la fin. Isabelle Huppert s’identifie à Maria, cette Blanche qui prend tous les risques plutôt que de capituler. En opposition André reste dans l’ombre, passif. Claire Denis ne dramatise pas de façon outrancière, mais nous place face aux réalités et sollicite notre imagination en utilisant les hors champs qui font planer une menace sourde. Aveuglés par le soleil et plongés dans une profonde torpeur, les personnages ne tiennent pas compte des signes alarmants qui submergent le spectateur, de plus en plus inquiet et oppressé.
Née au Cameroun, la cinéaste a suivi les événements de Côte d’Ivoire, sans porter de jugement. La plantation de café est légalement la propriété d’une famille française, Maria en est seulement l’exploitante. Cette terre d’Afrique est aussi celle des ouvriers agricoles, des rebelles qui s’opposent au pouvoir en place, des soldats de l’armée régulière qui y pénètrent pour y faire régner l’ordre par la terreur et les massacres sauvages, et aussi celle des enfants-soldats qui s’y promènent comme en territoire conquis. Maria reste pourtant obsédée par cette propriété.
Le film est porteur d’un message fort sur l’appartenance et l’attachement à un territoire : l’homme admettra-t-il un jour que la terre est à tous, que chacun est libre mais en même temps liés aux autres, la guerre n’y change rien, elle ne fait que des victimes ?
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