Pour être sauvé, il faut être dans une situation malséante. Un maître-nageur va me sauver de la noyade. Un sauveteur en montagne d’une mort tragique par le froid. Mais également un professeur extraordinaire, qui me sauvera de l’échec scolaire, ou un psychiatre, de la dépression. Et un Samaritain, de finir mes jours dans un fossé. La métaphore du christ, crucifié pour racheter mes péchés – sans exception et sans préalable – me sauve donc du péché. (Il est curieux, d’ailleurs que certains libéraux aient du mal avec cet acquittement. La cruauté du supplice l’emporte pour eux sur la Grâce. C’est oublier que le péché est un véritable supplice. Et que la Grâce est une folie salvatrice à la hauteur de la monstruosité du péché). Le péché, c’est la faute.
Le symbole de la crucifixion nous sauve de la culpabilité.
Par le symbole de la crucifixion, je suis donc sauvé, libéré de toute culpabilité, puisqu’il n’y a plus de faute à porter. Et on sait à quel point la culpabilité nous ronge, nous enferme sur nous-mêmes et nous empêche de nous ouvrir sur autre chose que sur notre propre névrose. Paul et les auteurs des évangiles étaient peut-être tout simplement… de fins psychologues. Françoise Dolto l’a bien compris qui, dans « L’Évangile au risque de la psychanalyse », décortique la parabole du bon Samaritain. À la fin de cette parabole où l’on demande à Jésus qui est ce fameux prochain qu’il nous faut aimer comme nous mêmes, il est bien entendu que ce n’est pas le type dans le fossé – non, le tirer de là, rien que de très normal quand on est bien élevé, chacun d’entre vous, lecteurs, aurait fait de même – non, le prochain à aimer, c’est bien le Samaritain, répond Jésus. Quand on pense que cette parabole – mal comprise, parce que mal lue, ou pas lue jusqu’au bout – a été le récit déterminant d’une religion moraliste, donc culpabilisante, réduisant le message de l’Évangile à faire des B.A., à bien se conduire, à se forcer à devenir meilleur. L’Église catholique s’y est engouffrée, elle qui ne médiatise plus que sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. On entend le clergé nous intimer exclusivement la conduite à tenirGarouel(parfois en enfonçant des portes ouvertes) : « Ne faites pas la guerre ! » ; « N’avortez pas ! » ; « Accueillez les migrants ! » ; « Partagez avec les pauvres ! » ; « Préservez la planète ! » ; « Ne violez pas les enfants ! » …
Oui à une religion qui appelle à la liberté.
Mais d’appel à la liberté, la liberté épanouie, la liberté libérée du poids du péché et de sa culpabilité, jamais. Et les athées ont le même regard sur la religion, ce qui justifie pour eux-mêmes leurs hauts cris lorsqu’un croyant, quel qu’il soit, se conduit plus mal qu’eux. Or, la parabole du Samaritain confirme le salut de l’Homme par le rachat intraitable de ses péchés, symbolisé par la crucifixion. Si je suis sauvé, si on me sort du fossé, alors je serai apte à tourner mon regard vers mon prochain, vers ce Samaritain, et à l’aimer comme moi-même, une chose que l’on ne peut faire que lorsque l’on est relativement épanoui, heureux, structuré, et non reclus dans ses névroses, et rongé par ses péchés, au fond du fossé.
Les commandements ne sont pas des ordres mais des promesses
Avec la parabole du Samaritain, l’amour du prochain devient donc une résultante, une conséquence normale du bonheur, et non un préalable, un ordre qu’il faut suivre, une doctrine à appliquer. « Je suis venu abolir la loi…», «Tous les commandements sont réunis en celui… d’aimer ». Je revendique volontiers la liberté de pratiquer cette pirouette qui consiste à lire les dix commandements comme s’ils étaient écrits au futur, et non comme des ordres. Si on t’a sorti du fossé, si tu es heureux, si tu es épanoui, alors « tu ne tueras point », alors « tu honoreras ton père et ta mère », etc. Si la religion – qui s’est trop souvent occupée de moralisme – accapare la science, comme nous le revendiquons chez les libéraux (« Je crois malgré les miracles » disait Charles Wagner), elle doit accaparer aussi les sciences humaines, et la psychologie, si importante pour notre bien-être, celui qui nous permet d’ouvrir enfin les volets, et de porter un regard aimant sur notre prochain.
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