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L’itinérance, une liberté malmenée

On les appelle Manouches, Gitans, Tziganes, non sans mépris… On les confond avec les Roms, qui ont fui la Roumanie ou la Bulgarie et mendient dans les rues des grandes villes européennes. Les services de l’État les définissent comme « Gens du Voyage » une appellation administrative apparue dans les années 70. Français depuis des générations, leur mode de vie n’est pas homogène. Sur les quelque 300 000 à 400 000 “Gens du Voyage”, on considère aujourd’hui qu’un tiers est sédentarisé. Ce sont notamment des Gitans d’origine espagnole installés dans le Sud, à Perpignan, aux Saintes-Maries de la mer, à Marseille. Eux sont majoritairement catholiques. Un autre tiers serait totalement nomade, et un dernier tiers semi-sédentaire.

C’est le cas des protestants évangéliques de la mission Vie et Lumière, membre de la Fédération protestante de France, qui se définissent eux-mêmes comme « Voyageurs » S’ils passent une partie de l’année sur leur terrain, ils prennent la route d’avril à septembre pour enseigner la Bible, prier, évangéliser et vivre de leur métier. C’est pour eux et avec eux qu’est née, en 2015, APATZI, l’association protestante des Amis des Tziganes. Son objectif premier est la défense de ce droit à l’itinérance, constitutif d’un mode de vie, d’une culture, d’une foi.

Ainsi les métiers exercés par les familles, de père en fils, de mère en fille, sont liés au déplacement et au démarchage : élagueurs, zingueurs, ferrailleurs, forains, circassiens, brocanteurs, commerçants de marchés.

Comme ils l’expliquent très clairement, renoncer à l’itinérance serait tomber dans la précarité. Mario Holderbaum, secrétaire général de Vie et Lumière et membre du Conseil d’administration d’APATZI, enfonce le clou : « L’itinérance, la caravane, c’est toute notre vie. Aujourd’hui les pouvoirs publics cherchent à détruire cette spécificité, cette liberté, en nous harcelant. »

Pour permettre l’itinérance, il faut en effet des aires d’accueil. La loi dite seconde loi Besson du 5 juillet 2000 a renforcé les obligations des communes à l’égard des Gens du Voyage. Elle prévoit en effet un schéma départemental pour répondre à leurs besoins : création d’aires d’accueil de taille moyenne pour l’itinérance habituelle et d’autres plus importantes, dites de grands passages, pour les rassemblements occasionnels comme ceux de de Vie et Lumière. Mais les communes rechignent et pire, depuis la création des Communautés de communes, se renvoient la balle.

Résultat : les aires font défaut, sont mal entretenues, inadaptées, situées à côté de déchèteries ou de stations d’épuration. Selon l’enquête menée par William Acker, une majorité d’entre elles sont situées dans des endroits isolés et pollués. Ce juriste, lui-même issu de la communauté, n’hésite pas à parler de « racisme environnemental systémique ». Publié au printemps 2021, son ouvrage a jeté un pavé dans la mare1. Le rapport de la Défenseure des droits2, paru la même année, offre la même tonalité. Avec des mots forts, il dénonce les trop nombreuses discriminations dont sont victimes les Gens du Voyage, qui « reposent sur la non acceptation par une partie de la population mais également l’administration du mode de vie itinérant et de l’habitat en caravane ». Ces discriminations ont trait à tous les aspects de la vie quotidienne : refus d’autorisation d’urbanisme et/ou de raccordements au réseaux sur des terrains privatifs, interdiction d’y installer des caravanes pour plus de trois mois, refus de considérer la caravane comme un « logement » et donc impossibilité d’accéder aux APL, au crédit immobilier, refus de domiciliation dans les CCAS comme les y oblige le code de l’action sociale et des familles, refus de scolarité et d’accès aux soins. La liste est longue.

C’est conscient de toutes ces atteintes aux droits humains et sociaux qu’APATZI a décidé d’apporter sa pierre dans ce combat pour la dignité et la liberté. Son objectif : recruter et former, partout en France, des médiateurs bénévoles qui facilitent les relations entre les pouvoirs publics, notamment les mairies, et les Voyageurs. Tentés ? Rejoignez-nous.

 

Si vous êtes intéressé par l’action d’APATZI écrire à :
association.amisdestziganes@gmail.com
1. William Acker, Où sont les Gens du Voyage ?, éditions
du Commun, 18 €
2. “Les Gens du voyage” : lever les entraves aux droits,
contribution à la stratégie nationale, 2021

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À propos Nathalie Leenhardt

est journaliste, co-directrice de Réforme.

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