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Un œil libéral sur…

 

Le comité de rédaction de votre mensuel a pris la décision l’automne dernier de mettre un terme à la rubrique « le mot » et de laisser la place à une nouvelle rubrique. Celle-ci, intitulée « un œil libéral sur » vous proposera chaque mois un article qui aura à cœur de défendre les libertés. En effet, si nous attachons une importance clef à notre liberté lorsqu’il est question de théologie, nous n’oublions pas que nous sommes des citoyens qui ne vivent pas en vase clos dans les Églises.

Le mot « liberté » n’est pas absent des débats publics mais il est souvent tourné en dérision ou utilisé de manière abusive. Quant au terme « libéralisme », il est trop souvent une arme de disqualification dans la bouche de ses adversaires : on nous fait croire que notre pays aurait versé dans l’ultralibéralisme économique alors qu’il nous offre une protection sociale exceptionnelle et que notre économie est largement influencée par l’État. On en vient à ne plus comprendre le sens de ce mot.

Parmi les expressions qui déforment le sens du mot « liberté » depuis quelques mois, j’ai choisi pêle-mêle : « la liberté de contaminer les autres », « la santé est la première des libertés », ou encore la phrase du Président Emmanuel Macron dans une allocution d’octobre 2020 « On s’était progressivement habitués à être une société d’hommes libres, nous sommes une nation de citoyens solidaires ». Pauvre liberté ! La pandémie de Covid-19 a fait beaucoup de dégâts sanitaires, évidemment, mais elle a aussi abîmé notre démocratie. Des préfets peuvent décider que nous n’avons pas le droit de nous asseoir sur une plage, les contrôleurs de la SNCF peuvent vous demander de ranger votre barre de chocolat dans un TGV, les policiers ont pu vérifier que nous avions bien rempli des auto-attestations pour sortir dans l’espace public nous acheter du pain ou promener nos chiens, et dans de nombreuses villes nous sommes actuellement sommés de porter un masque à l’extérieur sous prétexte qu’il ne faudrait pas oublier de le mettre quand nous entrons dans un commerce alors que tous les épidémiologistes interrogés s’accordent à dire que cela est strictement inutile.

Montesquieu a écrit dans L’esprit des lois que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Si une règle de droit doit venir limiter nos libertés individuelles, il est légitime d’attendre que cette règle soit à la fois justifiée et proportionnée. La France a pour devise « Liberté, Égalité, Fraternité », on ne devrait restreindre les libertés qu’avec la main tremblante. L’avocat François Sureau écrivait récemment dans son petit pamphlet Sans la liberté (collection « Tracts » chez Gallimard) que « si l’on ne fait pas son ordinaire de la lecture du Journal officiel, on n’a pas nécessairement l’occasion de mesurer l’effritement de l’édifice légal des libertés. » Avant les arrêtés préfectoraux interdisant de s’asseoir dans les parcs, François Sureau s’inquiétait déjà de la tendance à régenter la vie des individus : « Deux traits bien nationaux [concourent à augmenter le contrôle social]. […] Le second, c’est cette cacophonie administrative et parlementaire qui vient de ce qu’un chef de bureau ou un député n’existent pas s’ils ne nous ont pas tyrannisés par un morceau de loi, activité somme toute plus glorieuse et moins douloureuse que de concevoir un projet, d’essayer de le faire partager, de sculpter la pierre des choses plutôt que le saindoux des codes. » Loin de moi l’idée que nous vivrions dans une dictature ! En revanche, je suis persuadée que nous vivons dans une société qui a perdu son attachement à la fois viscéral et raisonnable à la liberté.

Chaque mois, des plumes se succéderont ici pour défendre cette liberté que nous chérissons.

 

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À propos Abigaïl Bassac

est titulaire d’un master de l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et étudiante en master de théologie à Genève. Elle est assistante des enseignants à l’Institut Protestant de Théologie et directrice de la rédaction d’Évangile et liberté.

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