La faiblesse ne rend pas faible

Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. C’est lorsque je suis faible que je suis fort ! » nous dit l’apôtre Paul. Quelle idée ! Qui a envie d’être faible ? Avez-vous déjà remarqué que, dans les films d’action ou chez les Marvel, les héros, on les voit rarement avoir faim, être fatigués, malades, prendre une pause durant un combat en disant :
« Je n’en peux plus, j’arrête, je n’ai plus de force ? » Et si on les voit affaiblis c’est qu’à un moment donné, comme par magie, ils retrouvent leur force pour vaincre « l’ennemi » ou qu’ils sont subitement aidés par l’ami qui arrive au bon moment au bon endroit ! Ça vous arrive d’avoir envie d’être comme ça ? Moi oui ! Et pourtant !

Alors que nous vivons dans une recherche permanente de perfection, le psychanalyste Jacques Arènes soutient dans son essai Accueillir la faiblesse qu’accepter ses failles serait un moyen de renforcer notre moi profond et notre sérénité. Et si nos faiblesses servaient de socle à la construction de notre bonheur intérieur ? Plutôt que de fuir la souffrance ou de refuser nos limites, pourquoi ne pas transformer notre négatif en positif ? Pour Jacques Arènes, il s’agit de « comprendre sa faiblesse, de l’accepter pour réussir à habiter sa vie intérieure. » Et pour ainsi gagner en confiance et en sérénité. Comment ?

Objective ou non, la faiblesse entraîne toujours la désillusion : il n’y a rien de plus difficile que de connaître la réalité de ses forces physiques, intellectuelles ou morales. Et pourtant, c’est par cette désillusion que l’on peut apprendre à vivre, à faire avec ces contraintes. « Deviens qui tu es », comme l’écrivait Nietzsche !
Il faut aller au bout de soi-même pour connaître ses limites. Et cela ne se fait pas sans souffrance ! La clef pour habiter sa propre vie serait d’oser souffrir en soi et de se construire ainsi. Pour en revenir au superhéros : il arrive toujours un moment dans la vie de celui-ci où il se retrouve confronté à ses « démons du passé », ses souffrances, pour devenir « plus fort », plus serein et surtout pour accomplir sa véritable destinée !

Finalement, lorsque l’apôtre Paul nous dit : « Je mettrai bien plus volontiers ma fierté dans mes faiblesses pour que la puissance du Christ repose sur moi », ne va-t-il pas lui aussi dans ce sens ? N’est-il pas lui aussi passé par une souffrance, une acceptation de ses propres failles/limites ?

Dans ce passage biblique, Paul (2 Cor 12) parle d’une épine, d’une écharde dans la chair, qui lui a été donnée pour qu’il ne s’enfle pas d’orgueil. Ce passage a fait l’objet de nombreuses interprétations : on parle d’infirmité, de maladie ou bien d’échec dans son ministère. Mais finalement Paul, en parlant de cette épine, ne fait-il pas lui aussi la démarche de voir au-dedans de lui ce qui le fait souffrir, ce qui est une faille, ce qui est « son point faible » ? N’est-ce pas une invitation à l’humilité ? Avoir le courage et la sagesse de voir ce qui fait défaut en nous pour l’accepter et aussi voir que nous avons tellement besoin des autres de temps en temps, et pourquoi pas de Dieu ?

Selon Antoine Nouis, dans son commentaire du Nouveau Testament, Paul nous invite à vivre nos faiblesses comme des témoignages de la grâce et à en être fiers pour que la puissance du Christ repose sur nous. Selon le théologien, Paul propose, à la lumière de l’histoire de David et Goliath, d’avoir une confiance totale en la grâce de Dieu, de ne pas s’appuyer sur ses propres forces. Aussi, la puissance du Christ ne repose pas dans nos forces mais dans le fait que nous poursuivons la route malgré nos faiblesses.

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