Voici plutôt un mot qu’on aime trop. Les « valeurs » permettent certes d’unir des personnes très différentes, voire opposées, autour d’un même idéal et d’un but exaltant. Elles promeuvent un humanisme universaliste. Elles offrent un accord possible entre tous.
Mais l’Évangile ne propose pas un idéal. Il ne nous mobilise pas pour des idées. Il s’agit en effet avec lui de préférer l’amour du prochain à celui du lointain. Au nom d’une certaine idée de l’Homme (avec H majuscule), on a trop souvent sacrifié des hommes.
Les valeurs (Justice, Vérité, Liberté, Solidarité, Égalité, etc.) peuvent devenir des abstractions mortifères. Au nom de LA Vérité, n’a-t-on pas, par exemple, persécuté, torturé, condamné à mort, allumé des bûchers ou construit des camps de « rééducation » et d’extermination ? Les dictateurs prétendent, eux aussi, lutter pour la liberté et la libération de leurs sujets.
La défense des valeurs s’inscrit souvent dans un discours facile et conformiste. On ne risque pas avec elles d’être contredit. Elles n’engagent pas à grand-chose. Elles rassemblent dans un unanimisme mou qui ne prête pas à conséquence. Au sujet de ces valeurs, le philosophe Dominique Collin écrit en 2018 dans Le christianisme n’existe pas encore : « Leur vacuité inoffensive fait croire qu’il suffit de les prêcher pour apparaître auréolé des meilleures intentions. » Elles nous évitent, avec des discours vagues, de vivre un Évangile du quotidien, nous invitant à des gestes à la fois simples et concrets : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus me voir » (Mt 25, 35-36).
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