Dans la dernière livraison de Freies Christentum, le périodique des protestants libéraux allemands, Eberhard Pausch attire l’attention sur les onze directives (Leitsätze) que l’Église protestante en Allemagne (EKiD) a édictées l’été dernier. Il insiste en particulier sur le fait que la première d’entre elles a pour sous-titre Frömmigkeit et est donc tout entière consacrée à la « piété » considérée comme une relation entre attitudes personnelles, traditions chrétiennes et spiritualité pratique.
Comme le remarque Pausch, « le concept de piété circonscrit un large spectre sémantique (en latin pietas, devotio, religio) et a eu de larges échos dans le protestantisme de Luther jusqu’à Schleiermacher. » Ce qui n’a pas empêché la théologie dite « dialectique », celle de Barth et de ses épigones, de juger ce concept « subjectiviste » et de le rejeter. Aussi faut-il « en saluer la renaissance ». Dans une première version de travail, la première de ces directives avait pour sous-titre Öffentlichkeit, c’est-à-dire le caractère « public » de la foi chrétienne. Il s’agissait d’insister sur le fait que, dans la situation actuelle de restriction à la sphère privée de tout ce qui touche à la religion, le christianisme bien compris doit retrouver une place ou une audience moins confinée. La première directive le dit d’ailleurs clairement : « Dans une société en voie de sécularisation, la transmission de la foi chrétienne et l’exercice d’une piété évangélique vont gagner en importance. »
De quoi est faite cette piété ? On va insister sur ses modes d’expression, par exemple dans le domaine artistique, et sur tout ce qui touche à son rayonnement social. On va veiller à la qualité et à l’actualité de tout ce qui touche à l’exercice du culte. Mais qu’en est-il de la réflexion ou même de l’exercice de la raison ? La première directive de l’EKiD n’en souffle mot et Pausch s’en inquiète vivement : « Le Logos n’a-t-il pas eu dès le début un rôle central dans le christianisme, comme l’expose l’évangile de Jean dans son hymne d’ouverture ? » Conclusion : « Nous avons besoin d’une théologie qui, faisant la lumière sur elle-même, abandonne toute forme de supranaturalisme et de positivisme de la révélation (…) La capacité de notre Église de faire face à l’avenir tient à une piété crédible et raisonnablement praticable. »
Pour faire un don, suivez ce lien