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Ai-je vu cet homme? Qu’ai-je fait?

 

Un soir, sortant du métro dans un quartier populaire du nord de Paris, je me suis retrouvé nez à nez avec un contrôle d’identité par les forces de l’ordre réunies en grand nombre. Passant moi-même entre les mailles du filet sans encombre et sans être ne serait-ce qu’apostrophé par un policier – je ne devais pas correspondre aux critères d’interpellation – je me suis surpris de l’autre côté de la rue à me retourner pour observer la scène à la dérobée. Cela m’a arrêté net : il n’y avait que des « gens de couleur », dirions-nous aujourd’hui pudiquement, qui étaient contrôlés. Un banal contrôle de police en France en 2021, me suis-je dit… Brusquement un éclat de voix a retenti et tout aussi soudainement un homme s’est retrouvé au sol, menotté, avec quatre policiers l’entourant puis le traînant rapidement vers un fourgon de police, sans que personne ne bouge, le tout n’ayant pas duré plus d’une minute. Un migrant sans papiers interpellé…

Je suis reparti… bientôt honteux et furieux contre moi-même. J’ai vu cet homme, mon semblable qui n’a pu échapper au coup de filet comme moi, juste à cause de sa couleur de peau… et je n’ai rien fait. J’ai même eu peur de demander des explications aux policiers. Alors que faire ? Pour ma part, j’ai prié pour demander au Seigneur son pardon pour mon inaction indigne et apeurée. Puis, en me souvenant que « rien n’est à l’abri de l’arbitraire, quand une fois il est toléré » (Benjamin Constant), j’en ai retenu la nécessité de s’engager, encore et toujours : nous votons, nous pouvons par exemple soutenir la Cimade matériellement, spirituellement aussi, même si nous ne sommes pas juristes. Et puis, nous pouvons nous battre contre nous-mêmes et contre toute situation que l’on rencontre pour que a minima, la dignité de ces hommes, qui sont nos semblables, puisse être respectée, même lors d’un banal contrôle de police. Devenir le centurion qui dit pour ce monde : « Seigneur… dis une parole et que mon serviteur soit guéri » (Luc 7,7). Surtout si c’est moi le premier serviteur malade !

 

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À propos Emmanuel Argaud

est étudiant à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Paris). Après une formation initiale d’ingénieur, il a travaillé plus de 20 ans en entreprise, notamment dans le domaine des ressources humaines.

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