Propos recueillis par Alain Mahaud
Alain Mahaud : Quelle est l’histoire de la Maison Ouverte de Montreuil ?
Claire Nicolas : Au début des années 70, le temple Parmentier de Montreuil doit être détruit dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet urbain. Les paroissiens de l’époque décident de ne pas reconstruire un temple mais d’édifier un centre dans lequel pourrait s’exprimer tout ce qui relève de la lutte contre le racisme, l’oppression, la répression, les injustices. Les valeurs d’alors, qui sont toujours les nôtres, vont être construites dès cette époque avec une vingtaine de bénévoles et le soutien des pasteurs, en plein cœur d’une ville populaire. Très vite, le Centre a défendu des causes au caractère universel : le Larzac, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception, mais aussi sur le plan international, le soutien aux Chiliens contre la dictature, aux Irlandais (IRA, Bobby Sands). Les causes ne manquaient pas. À travers des concerts, le théâtre, mais aussi l’éducation, nous avons toujours privilégié le chemin de la culture dans nos luttes et dans nos engagements. A.M. : Quand avez-vous adhéré à la Mission Populaire ? C.N. : En 2013, avec l’Église, nous avons convenu qu’il fallait repenser notre projet dans le cadre de la loi de 1905. Nous avons beaucoup travaillé avec l’aide de Stéphane Lavignotte pour réécrire et refonder notre projet associatif, tout en gardant les valeurs qui avaient toujours été les nôtres. Et finalement, ce qui faisait sens pour nous, c’était d’adhérer à la Mission Populaire. Ce qui a été fait il y a trois ans.
A.M. : Comment se concrétise cet engagement aujourd’hui ?
C.N. : Trois dimensions importantes président à notre action : l’international, l’écologie et la culture. Ici, ces trois dimensions se croisent en permanence. Par exemple, l’an dernier, nous avons accompagné et soutenu la grande marche mondiale pour la justice et la paix (Jai Jagat 2020) malheureusement stoppée par l’épidémie. Ces dernières semaines, nous avons hébergé quinze jeunes garçons africains migrants qui ne peuvent pas bénéficier de la prise en charge des mineurs prévue par la loi française et qui, isolés, sont donc dans un état de grande précarité. Nous avons mis sur pied un soutien scolaire à travers des cours de lecture et d’écriture du français. Ce sont deux exemples, il y en a bien d’autres, car les sujets de lutte sont toujours aussi nombreux !
A.M. : Quel est l’impact de la pandémie sur l’activité de la Maison Ouverte ?
C.N. : Nous avons pu continuer quelques activités : l’atelier de dessin pour les enfants, le Marché des Lumières en fin d’année, c’est une action solidaire qui nous tient particulièrement à cœur. Nous avons pu continuer à héberger des étudiants en formation théâtre. Mais malheureusement, de nombreuses actions ont dû être suspendues comme l’opération Bouq’Lib (collecte et mise à dispositions de livres), et plus généralement toutes les activités qui concernent des personnes plus fragilisées face à l’épidémie. Avec les confinements, de nombreuses administrations ou associations ont marché au ralenti et il a fallu pallier cette situation auprès des sans-papiers, des migrants. Mais des situations sont très difficiles car beaucoup de retard a été pris alors que souvent la réponse doit être traitée dans l’urgence. Aujourd’hui la solidarité et la fraternité sont mises à mal. Beaucoup souffrent de ne pas pouvoir se retrouver. Il va falloir très vite renouer les liens, retisser les fils de la solidarité, redonner l’envie de l’engagement.
A.M. : Qu’auriez-vous envie de dire aux personnes qui souffrent de l’isolement généré par l’épidémie ?
C.N. : Nous sommes toujours libres d’être ensemble, libres de nous entraider, libres de laisser s’exprimer notre esprit critique, notre refus de l’injustice, de l’oppression. Nous restons libres aussi de passer du bon temps ensemble. Et ce bon temps ensemble, il est souvent garanti lorsque nous laissons s’exprimer notre soif de fraternité et notre besoin de solidarité.
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