Sommes-nous capables de faire autre chose que nous opposer les uns les autres ? Sommes-nous capables de construire notre identité autrement qu’en nous opposant aux autres ? Sommes-nous capables d’accéder aux plus hautes vérités autrement qu’en faisant appel à une action surnaturelle ?
Toutes ces questions ont été celles de Lessing, homme du XVIIIe qui a fait preuve d’une liberté de penser remarquable. Pierre-Olivier Léchot nous permet de découvrir ce que Lessing a apporté à l’époque des Lumières et, mieux que cela, ce qu’il a provoqué dans son univers culturel et plus spécifiquement religieux. Lessing est celui qui révèle la vérité « là où le peuple ne l’attend pas ». Il la révèle dans les arts, ce que bien d’autres croyants jugent mineur et inapproprié car ils imaginent Dieu contenu dans des dogmes. De nos jours, l’art contemporain, le roman, les immersions organisées dans des lieux culturels, peuvent être des manières plus efficaces d’organiser le face à face avec ce qu’il y a de plus sacré dans la vie, que bien des discours qui n’ont de religieux que le vocabulaire consacré.
Les textes bibliques eux-mêmes ne sauraient être considérés comme le lieu définitif de la vérité de notre existence. Ne sont-ils pas au service d’une visée qui les dépasse largement ? Lorsque nous disons que Dieu est plus grand que le dieu de notre théologie, n’est-ce pas une manière de dire que la Bible renvoie en permanence à plus grand qu’elle-même et qu’il nous faut viser cette même perspective, sans avoir peur de découvrir des vérités qui ne sont pas là où le peuple l’attend.
Les autres religions elles-mêmes, avec leur étrangeté, avec ce qu’elles ont de divergeant avec nos convictions et nos traditions, sont nos meilleures alliées pour explorer la vie. Pierre-Olivier Léchot aborde la question de la laïcité qui pourrait être vécue de meilleure manière si nous avions à cœur de reprendre l’approche de Lessing qui n’enferme pas la religion dans un système clos de valeurs qui ne peut conduire à autre chose qu’une guerre de tous contre chacun.
Être théologien, ce que fut Lessing, ce que nous sommes tous appelés à être, consiste à se libérer de toutes les institutions qui censurent la pensée, qui entravent la recherche, qui étouffent la raison. Être théologien, c’est forcer les systèmes pour suivre la vie sur tous ses chemins ; c’est mettre en œuvre sa raison pour rassembler les fragments épars de la vérité, cette religion naturelle qui unit les membres de l’humanité. La révélation, au lieu d’être comprise comme une intervention surnaturelle d’une entité supérieure, pourrait alors désigner tout ce qui donne des impulsions à cette recherche inlassable, tout ce qui provoque les chocs nécessaires pour engager de nouvelles explorations, de nouvelles collaborations, de nouveaux entretiens avec tous les amoureux de la vie qui se tiennent là où le peuple ne les attend pas.
À lire l’article de Pierre-Olivier Léchot » Gotthold Ephraïm Lessing ou la vertu du frottement des religions «
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