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Pureté, impureté et coronavirus

Les enjeux humains de la crise sanitaire actuelle

Avec l’épidémie en cours et les peurs naturelles mais aussi irrationnelles qu’elle entraîne, on peut craindre le développement de tendances mortifères pour notre humanité et à un autre niveau que celles du virus lui-même, en créant une frontière entre personnes saines et malades, symboliquement entre purs et impurs.

En temps ordinaire, il ne fait déjà pas bon vivre dans certains quartiers quand on a un type asiatique. Avec l’apparition de cette épidémie d’origine chinoise, il vaut mieux ne pas tenir un commerce asiatique en France ou avoir les yeux bridés alors qu’on vient de tousser dans le métro parisien.
Avec la diffusion du virus au niveau mondial, tout étranger qui parait déjà étrange à certains en temps normal, court maintenant le risque d’être considéré comme dangereux.

En France, la simple convivialité va bientôt de ne pas avoir bonne presse alors qu’on nous recommande de ne plus nous embrasser ni même de nous serrer la main.
Le mode de vie à la française que le terrorisme islamiste n’avait pas réussi à menacer, risque ainsi d’être sérieusement mis à mal.
Avec la multiplication des cas, en France, l’autre, même apparemment « bien français », peut rapidement apparaître comme une menace.

Nous vivons déjà dans un monde, notamment dans les grands centres urbains, où la méfiance est trop présente, où la surveillance devient une obsession, où le contact humain semble être réduit à son minimum, comme le montre une rapide observation d’une rame de métro parisien.

Prenons garde, par peur de la contagion, de ne pas créer un monde sans risque mais encore plus aseptisé et deshumanisé.

Mais cette crise sanitaire peut aussi être l’occasion d’un examen de conscience et d’une prise de conscience de notre responsabilité individuelle et collective et de l’indispensable solidarité qui doit tous nous unir par delà nos différences.
Notre humanité peut y trouver l’occasion de manifester sa lucidité, son sens de la solidarité, sa compassion. Elle ne nous appelle pas à courir des risques inutiles mais à savoir les estimer à leur juste mesure et à surtout ne pas sacrifier notre rapport à l’autre à la nécessaire prudence. Comme le déclarait le Pasteur Wagner en créant la paroisse qui porte le beau nom de Foyer de l’Âme : « Ici, on enseigne l’humanité ».

Souvenons-nous de cette belle maxime et mettons la en pratique.

Pureté et impureté, le Christ a dépassé les bornes

On sait que, dans le domaine religieux, la notion de pureté est centrale et que les traditions musulmanes et juives en ont fait majoritairement la base de leurs pratiques et la justification de leurs interdictions multiples.
Ainsi les interdits alimentaires ont été justifiés largement par le fait de ne pas consommer des animaux ou de créer des mélanges alimentaires considérés comme impurs.
De même, les femmes ont été écartées des actes religieux au motif que leurs menstruations les rendraient impures.
Et ces traditions ont proposé toutes sortes d’ablutions pour se purifier, en particulier aux moments liés à la prière ou à tout acte considéré comme religieux.

Ainsi la notion de pureté peut créer une frontière hermétique entre le monde pur du Bien et le monde impur du Mal. Entre Paradis et Enfer. Entre les élus et les damnés.

Le moralisme chrétien, lui-même, n’a pas échappé à l’utilisation et à l’abus de cette notion de pureté, en commençant par la notion de conception virginale du Christ.
Pourtant, le christianisme est censé se baser sur les paroles et plus encore sur la vie de quelqu’un qui a révolutionné le rapport à la pureté. Car, plus que dans les paroles qui lui sont prêtées, le Christ a fait sauter cette frontière par ses actes, en particulier en fréquentant des personnes considérées comme impures.

Dans le judaïsme ancien où il vivait, le malade était considéré comme l’objet d’une sanction divine. Son état le rendait impur et aboutissait à sa mise à l’écart afin de ne pas contaminer le peuple sain et saint. En dehors du contexte de la maladie, les Pharisiens, en particulier, appliquaient à tous les règles de pureté prescrites aux prêtres par le Lévitique et se tenaient soigneusement à l’écart de toute contamination. Pour eux, l’autre était une menace permanente de contamination.

Jésus, au contraire, s’est laissé approcher par tous les malades y compris les lépreux. Au delà des malades, il a fréquenté des catégories de population que la société de son temps tenait à l’écart y compris les femmes. Il a révolutionné ainsi l’idée de pureté. Avec lui, être pur c’est recevoir l’autre quel qu’il soit plutôt que de le mettre à l’écart, c’est l’écouter et soigner sa souffrance plutôt que le condamner.

Dans la crise que nous connaissons, n’oublions pas ce message et considérons que nous avons là l’occasion de devenir plus humain en le mettant en pratique dans notre attitude comme dans nos actes face à autrui qu’il soit malade, marginal voire simplement différent.
Ayons une attitude saine et faisons preuve de pureté en considérant la maladie, l’étrangeté ou la différence avec bienveillance, comme une possibilité de devenir meilleur et non comme une menace.
Au-delà de l’indispensable prudence, afin de ne pas nous mettre en danger et avec nous le groupe tout entier, restons capable de calme, faisons preuve de lucidité et de civisme, n’adoptons pas de comportements égoïstes, conservons notre bienveillance envers autrui, bref étendons notre humanité à tous nos frères humains au lieu de nous recroqueviller sur notre peur.

(source image : Marie Claire)

 

 

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À propos Jean-Pierre Capmeil

Docteur en géopolitique. Impliqué dans la catéchèse de l’Oratoire du Louvre entre 2014 et 2016 et à présent dans la communication du Foyer de l’Âme.

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