Sans vouloir sous-estimer les détresses psychologiques qui sont de tous les temps et en particulier du nôtre, et qui se caractérisent entre autres par le stress et la solitude, il pourrait y avoir aussi des raisons sociologiques à l’augmentation des consultations. On pourrait présupposer un lien entre cette tendance et le mouvement de sécularisation qui s’est effectué bien plus radicalement aux Pays-Bas que dans les pays qui nous entourent. Cela a un effet sur les choix que nous faisons. On consulte de nos jours un psychologue ou un psychiatre pour différentes raisons.
Selon Damiaan Denys, professeur à Amsterdam et président de l’association des psychiatres aux Pays-Bas, les questions touchant au sens de notre vie et à la souffrance que nous pouvons éprouver ont été largement médicalisées. Comment pouvons-nous vivre avec ce qui nous arrive et qui nous pose tant de questions (la perte, le deuil, tout ce qui est imparfait et injuste dans notre vie ?). Or cela n’est pas exclusivement du domaine médical. Pourtant on va voir un psychologue ou un psychiatre pour en parler. De ce fait, selon Damiaan Denys, ces professionnels ne savent plus quoi faire et sont débordés. Ces professionnels ne peuvent plus se concentrer sur leur travail essentiel : guérir des gens malades. Autrefois, un pasteur ou un prêtre était consulté pour réfléchir sur le sens de notre vie, et ces réflexions nous donnaient la confiance et l’inspiration l’inspiration nécessaires. Or, dans notre société laïque, on ne consulte plus un religieux, ce n’est pas une option qui nous vient aisément à l’esprit.
Je souscris à cette analyse de Damiaan Denys (qui se proclame athée) et à son appréciation du travail qu’effectue un pasteur. Une grande partie du travail de pasteur consiste à faire des visites pastorales visant à partager des pensées sur le sens de notre vie, les dilemmes que l’on rencontre, les questions fondamentales que l’on se pose. Qu’est-ce qui détermine mon existence, en quoi ou sur qui puis-je fonder ma confiance ? Comme pasteurs, nous prenons notre temps pour agir ou réagir à ces questions. Prendre du temps est ce qui caractérise le pasteur. Nico ter Linden, ancien pasteur du Westerkerk à Amsterdam, a écrit un livre sur la profession de pasteur, qui a pour titre : Uniquement du temps libre. Nous ne sommes pas limités par des protocoles et des règles. Nous prenons le temps si c’est nécessaire. Nous avons appris à écouter, à parler d’une façon nuancée et nous avons des histoires pleines de sagesse que nous pouvons utiliser pour approfondir les discussions. Nous faisons partie d’une tradition qui offre du réconfort et un point d’appui. Cela aide quand la vie nous confronte à des défis importants.
Vous aurez remarqué que je suis très enthousiaste quand je raconte mon travail, que je trouve encore très important et pertinent de nos jours. Par ailleurs, ce travail n’est pas réservé au pasteur – je pense aussi à tous ces bénévoles qui font des visites. Nous n’offrons pas nos services pour évangéliser avant tout ni pour tenter de recruter de nouveaux membres. Ces contacts pastoraux ne sont pas non plus des moments de catéchèse. Nous ne cherchons pas à témoigner de notre vérité en affirmant que c’est une vérité universelle. Nous sommes en revanche intéressés par la vérité de l’autre, par ses sources d’inspiration et ses pensées à propos de la vérité. Nous sommes appelés avant tout à être présents et disponibles pour tous, membres d’Église ou pas, croyants ou non. Et nous nous laissons inspirer par nos assises chrétiennes qui nous apprennent que la grâce de Dieu est toujours plus grande que nos péchés, que les enseignements de Jésus nous offrent une direction pour notre vie, et que nous pouvons conserver notre confiance en Dieu dans tout ce que nous avons à affronter. Bien sûr, il y a des cas où la consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre est nécessaire, car le pasteur connaît ses limites. Mais pour un grand nombre d’autres situations, le rôle du pasteur peut s’avérer utile et consolant. C’est à nous de démontrer l’importance de ce rôle, encouragés par nos propres expériences et par les observations de spécialistes comme Damiaan Denys. Nos contemporains ont besoin de nous, efforçons-nous de les aider, surtout dans leurs heures difficiles. u
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