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Repères

 

Il est significatif de constater qu’au défi de définir le protestantisme l’opinion commune répond instinctivement par une négation de dogmes catholiques. Qui n’a pas entendu que les protestants seraient des chrétiens qui ne croient pas en Marie ? Ou qu’un protestant se définirait par sa négation de la transsubstantiation ou de la communion des saints ?

Même en creux, même en filigrane, la tentation du dogme demeure. Mais plus que le rejet de tel ou tel dogme c’est le dogmatisme que nous refusons, arbitraire intellectuel qui ne peut vivre sans l’appui d’une structure autoritaire. Or, si l’arbitraire et l’autoritarisme sont nos adversaires déclarés, nous ne rejetons pas pour autant la nécessité de se reconnaître une identité et – théologiquement – une doctrine. Qu’est-ce à dire ? En novembre 2001, André Gounelle définissait ainsi ce terme dans nos colonnes : « La doctrine ne formule pas une vérité absolue. Elle ne dit pas ce qu’il faut obligatoirement croire pour être chrétien. Elle exprime la manière dont des chrétiens, en un temps et un lieu donnés, ont compris ou comprennent leur foi. Elle est donc amendable et révisable. »

Par nature, le dogme est irréformable : en dehors de lui il n’y a qu’erreur et mensonge car une vérité amendée n’en est plus une. Ce sont l’immobilisme et l’enfermement des individus et des pensées dans des vérités proclamées auxquelles il faut obéir. Et pourtant, Dieu étant par principe inaccessible et intangible, quel péché d’orgueil que de vouloir l’enfermer dans les étroites frontières de notre entendement !

À cet orgueil immobile et autoritaire, il nous faut préférer jalonner notre chemin de repères qui sont autant de tentatives de saisir Dieu. Là où le dogme est un point fixe, la doctrine est un mouvement. Une dynamique d’expression et non de définition, permettant une foi libre et décloisonnée qui ne confonde pas ce qu’est Dieu avec ce que nous en disons.

Nul ne saurait voyager sans repères. Sans jamais commettre l’erreur de les sacraliser, toute démarche a besoin de principes. Selon leur sens premier, les repères sont des marques utilisées pour retrouver la place de quelque chose : les repères d’imprimerie permettent la réalisation de l’objet final tandis qu’un charpentier appose les siens sur les éléments de la structure pour leur indiquer la place qu’ils occuperont. Par extension, le repère désigne alors toute marque signalant une position dont on se sert pour s’orienter, mesurer, comparer, se retrouver soi-même.

Et si les repères peuvent être autant de repaires, abris contre la pluie ou les mauvais jours, il ne faut pas s’y laisser enfermer : ils peuvent être discutés et contestés. Car les vérités ne se renforcent pas d’être incontestées. C’est – au contraire – savoir tenir la contestation qui les maintient en vie. Il en est ainsi des principes de la religion comme des principes de nos sociétés, de la démocratie comme de la liberté, toutes gagnent à affronter leurs adversaires et à répondre à ceux qui les contestent.

Nos repères et nos doctrines demeureront tant que nous saurons en défendre la légitimité intellectuelle. Plutôt que de craindre la critique, nous en faisons un souffle de vitalité.

Nous vous offrirons ainsi chaque mois la réponse à une question qui puisse permettre de poser un repère théologique. Nous ne vous offrirons pas de ces dogmes dont la froideur rassurante est comparable à la paix glacée des choses mortes. Notre credo demeurera libre et vivant mais nous saurons nous repérer afin de nous retrouver nous-mêmes et permettre à ceux qui nous cherchent de nous trouver. Et ainsi, nous continuerons à répondre inlassablement à cette question infinie à laquelle le Christ nous demande de nous confronter : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Matthieu 16,15)

 

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À propos Maxime Michelet

est étudiant, diplômé d’un master d’Histoire contemporaine à la Sorbonne ; issu d’une famille de tradition athée, il a rejoint le protestantisme libéral à l’âge adulte à travers le temple de l’Oratoire du Louvre de Paris.

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