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Une conversation étonnante à la piscine

 

J’ai dû, il y a plusieurs mois de cela, changer de piscine à laquelle je me rendais chaque semaine pour m’obliger à un exercice physique. Le plafond s’étant en effet effondré, il était tombé dans le bassin très tôt le matin, ne causant, fort heureusement, aucun blessé. L’autre jour, un homme d’une quarantaine d’années me salue gentiment, me disant qu’il se souvient très bien de moi du temps de l’ancienne piscine. Je suis navré de ne pas le reconnaître, le lui dis simplement en le remerciant chaleureusement pour ce bonjour qui me touche.

 Cela dit, il me déclare ne pouvoir nager que sur le dos, la brasse lui étant interdite. Je le regarde plein de commisération, me demandant quel mal le frappe. Je l’interroge à ce sujet avec autant de délicatesse que possible ne voulant pas le vexer par ce qu’il pourrait ressentir comme une indiscrétion. Il me répond très naturellement et en quelques mots que cela n’a rien à voir avec sa santé, mais que c’est à cause du ramadan. J’écarquille les yeux. Je cherche en vain quel est le lien entre le ramadan, voire le Coran (que j’ai lu), et la nage sur le dos. Constatant ma surprise, il précise qu’il n’a droit pendant tous ces jours de ne prendre aucune nourriture, ni solide ni liquide (ce que je sais très bien) et qu’en nageant sur le ventre, il a peur de boire la tasse. Me voici ahuri. Je lui demande, là encore avec politesse et gentillesse, pour ne pas le froisser, si son comportement n’est pas tout de même un peu excessif. Je vois bien dans son regard qu’il est d’accord avec moi, mais il ne peut prononcer des mots qui le diraient explicitement et trop clairement. Et il ne me répond pas.

 Deux réflexions m’habitent alors simultanément. La première m’amène à relever que nombre de ses coreligionnaires ne partagent sans doute pas la position stricte de cet homme. La seconde me rappelle qu’à défaut de quelconques obligations ou d’interdits alimentaires, il y a bien souvent chez les protestants des interprétations de la Bible conduisant à des pratiques relevant d’un rigorisme excessif et tatillon, défigurant l’esprit de liberté de notre foi.

 

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À propos Laurent Gagnebin

docteur en théologie, a été pasteur de l'Église réformée de France, Paris ( Oratoire et Foyer de l'Âme ) Professeur à la Faculté protestante de théologie.Il a présidé l’Association Évangile et Liberte et a été directeur de la rédaction du mensuel Évangile et liberté pendant 10 ans. Auteur d'une vingtaine de livres.

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