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Jardiniers de Dieu (Luc 13,6-9)

Quel est l’intérêt de cette histoire sur le figuier stérile ? Un propriétaire qui ordonne de couper un arbre parce qu’il ne donne pas de fruits ? Quoi de plus naturel ? Et un ouvrier qui demande d’attendre. Où est l’enseignement évangélique ? Les commentateurs, dès les premiers siècles, ont répondu en utilisant l’allégorie : ils disaient que le sens du texte était caché. Et qu’il revenait aux docteurs et autres évêques de donner les explications pour comprendre. Et voici le sens caché : le figuier représente le peuple juif, ou tous les païens qui ne portent pas de fruit parce qu’ils ne veulent pas croire en Jésus. Et le propriétaire, c’est Dieu qui va commencer à perdre patience et à se fâcher. Mais l’ouvrier, qui est Jésus, intercède et promet de s’occuper de tous ces gens-là et il va peut-être les sauver. Alors Dieu veut bien attendre encore. Mais pourquoi mettre en cause l’impatience de Dieu ? Pourquoi voudrait-il supprimer tous ceux qui n’adhèrent pas au message de Jésus ? Ce sont les commentateurs chrétiens qui ont eu ces méchantes pensées. Impatience de Dieu ou impatience des hommes ? Vraiment, rien ne prouve que cette interprétation allégorique ait été dans l’intention de Luc.

Restons dans le sens littéral de l’histoire, au lieu d’aller chercher des explications hors du texte. Le figuier était un arbre bien répandu en Israël. Il était courant qu’on en trouve au milieu des vignes ; la Bible associe très souvent le figuier et l’olivier avec la vigne. Et c’est autour de ces trois fruits de la terre que tournait une bonne partie de la vie économique des régions rurales. Nous devons bien avoir cela en tête si nous voulons comprendre la parabole.

Le propriétaire ne s’intéresse pas au figuier mais aux figues. Il ne regarde qu’au gain, il veut que son capital rapporte et n’a pas bien compris qu’un figuier demande des soins attentifs, qu’il faut le soigner avec amour pour qu’il donne du fruit. Mais ce propriétaire n’a le temps de passer qu’une fois par an et de constater qu’il n’a pas son profit, que ce figuier ne lui rapporte rien. Il n’y a pas de place pour les entreprises qui ne produisent pas assez vite. Tuez-le ; coupez-le.

L’ouvrier vigneron qui travaille tous les jours sur cette terre ne pense pas qu’au gain immédiat. Il propose de bien s’occuper de cet arbre et d’attendre un an avant de le couper. Il pense à sa bonne santé qui a besoin d’attention, de réconfort. Il lui faut du fumier pour le nourrir et bien aérer la terre à proximité. Les bonnes conditions de vie d’abord, la productivité ensuite. Il ne faut pas tuer l’entreprise trop vite sous prétexte que le gain tarde à venir.

On ne sait pas finalement ce qui a été décidé, si le propriétaire s’est laissé fléchir par les sentiments d’humanité du vigneron. La parabole ne conclut pas. Elle ouvre sur l’espérance. L’espérance que le patron ne regardera pas que son profit, acceptera que l’on s’occupe un peu mieux de ce pauvre arbre. Il faut toujours espérer avant de commettre l’irréparable.

Certes Jésus n’était pas un entrepreneur. Et la situation de la Palestine rurale, il y a deux mille ans, n’était pas celle de nos pays développés. Il est quand même frappant que Luc éprouve le besoin d’attirer l’attention sur la bonne santé des êtres avant de regarder ce qu’ils ne produisent pas. Il dit que la recherche du profit ne doit pas empêcher les vivants de vivre.

Bien sûr, nous savons tout cela. Il n’empêche que c’est sur ces questions fondamentales que notre société se heurte et risque d’aller à sa perte : on supprime les arbres, les forêts, les hommes, les sociétés, les entreprises parce qu’ils ne rapportent pas assez. L’Évangile a senti cela il y deux mille ans en racontant cette petite parabole. Il nous invite à l’espérance, à penser à la vie plus qu’au gain. Il faut espérer et labourer avec patience la terre des hommes pour que la vie subsiste. Telle est la loi de Dieu. Nous devons être les jardiniers de Dieu.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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