Si le Christ nous invite à aimer notre prochain, cela ne me semble en aucune façon incompatible avec la nécessité qu’il peut y avoir à combattre ce même prochain. Alors que les formes les plus réactionnaires de religions ne s’économisent pas en anathèmes et en rejets, le christianisme de progrès – se fondant sur cette invitation – refuse parfois toute condamnation d’autrui. On opposera naturellement aux partisans du combat qu’il ne faut jamais tomber dans les mêmes travers que ceux qu’on veut combattre. S’agit-il de cela ? Absolument pas. On peut combattre quelqu’un et ses idées avec décence et dignité, sans recourir ni à l’injure ni à la haine, et le premier combat à mener est – évidemment – toujours contre nous-mêmes, nos intolérances et nos rigidités.
Refuser de combattre car il faudrait faire primer avant toute chose le dialogue et la compréhension est dangereux. Il y a des idées nauséabondes qui empoisonnent tant et tant de vies qu’il ne faut pas abandonner un seul pouce de terrain face à elles. Certaines idées ne sont pas des opinions mais des délits. Elles ne se discutent pas : elles se combattent. Et ce n’est d’ailleurs pas acte d’amour que de laisser croire à quelqu’un qui s’abîme dans les pires convictions que celles-ci pourraient être légitimes. Le risque de tout relativiser et de vouloir tout aplanir pour tout réunir est le plus grand des périls. La fraternité réelle ne saurait exister sans combat : elle n’est ni miracle ni juste-milieu. L’identité molle qui recherche le compromis avec tout le monde – et donc n’importe qui – finira toujours par laisser triompher les identités les plus intolérantes et les plus nocives. Quel paradoxe quand notre amour du prochain nous empêche de dire – haut et clair – que ce prochain blesse et détruit, et que – par ricochets – on échoue à en défendre les victimes. Ceux qui souffrent de la haine et de l’intolérance ne demandent ni commisération ni pitié mais la solidarité dans le combat qu’ils ne peuvent pas – quant à eux – refuser.
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