Avant de nous pencher de plus près sur le cas bernois, il est, je pense, utile d’apporter quelques informations sur les spécificités helvétiques concernant les rapports entre l’État et les religions.
Un État fédéral qui peut reconnaître les cultes
La Suisse n’est pas à proprement parler un État laïc : la Constitution fédérale, révisée pour la dernière fois en 1999, commence toujours par la phrase « Au nom du Dieu tout-puissant ! », néanmoins, les libertés d’opinion et de conscience y sont bien évidemment garanties.
La Suisse est par ailleurs un État fédéral, ce qui implique une vision de l’État très différente de celle que l’on peut rencontrer dans les États centralisés comme la France. En effet, toute une série de prérogatives traditionnellement attribuées au pouvoir central sont déléguées par la Confédération aux cantons, dont la gestion des affaires religieuses, notamment l’octroi du statut de confession ou de religion reconnue. Ce statut confère aux communautés un certain nombre de droits, mais aussi de devoirs. Les cantons de Genève et de Neuchâtel, quant à eux, ont choisi d’être des États laïcs.
La situation dans le canton de Berne :
un bref survol historique
1528 : La Réforme. L’introduction de la nouvelle foi dans le canton de Berne comporte de nombreux aspects politiques et institutionnels : une nouvelle ère y débute, marquée par le contrôle politique du religieux. Ainsi nous pouvons lire sur le site officiel du canton : « En 1528, l’État de Berne décide d’introduire la Réforme sur son territoire et inaugure un processus d’imbrication des pouvoirs temporel et spirituel (…). L’État de Berne sécularise tous les biens des couvents et prend en mains la direction des affaires ecclésiastiques (…) ».
1804 : L’État saisit les biens des Églises et s’engage à payer le salaire des ecclésiastiques. Pour le sujet qui nous occupe, cette date est capitale parce qu’elle instaure un état de fait très particulier. En effet, en l’an 1804, « répondant à la demande du clergé, l’État de Berne saisit les biens des Églises et les incorpore par décret à la “fortune de l’État”, tout en s’engageant à verser à l’avenir un traitement aux ecclésiastiques. Cette démarche est la base historique sur laquelle repose le système, encore en vigueur, de rémunération des ecclésiastiques par le canton. » Cela signifie donc que les ecclésiastiques sont considérés et rémunérés comme des employés de l’État. Évidemment, le montant et la nature des traitements ont évolué avec le temps. Aujourd’hui, les avantages en nature ont disparu et les ecclésiastiques sont payés comme les autres employés du canton en fonction d’un barème qui les situe dans la classe salariale des psychologues, architectes ou ingénieurs au service de l’État.
1815 : Le congrès de Vienne. Le congrès de Vienne revêt une importance toute particulière pour le canton de Berne puisqu’il redessine son territoire de manière considérable : il perd le pays de Vaud et l’Argovie, mais se voit attribuer en compensation le Jura et le Laufonnais. Des territoires catholiques le rejoignent ainsi, ce qui impose la reconnaissance de cette confession par le canton.
L’évolution récente
Le parlement a adopté la nouvelle loi sur les Églises nationales bernoises le 21 mars 2018. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Au cœur de celle-ci se trouvent l’introduction d’un nouveau modèle de financement pour les Églises nationales bernoises et le transfert des tâches liées à l’engagement des ecclésiastiques aux Églises concernées. Cette nouvelle loi veut, selon les termes du gouvernement, « désenchevêtrer » les relations entre l’État et les Églises. Autrement dit, le canton ne veut plus avoir la charge administrative des ecclesiastiques, ni les payer directement. Pour autant, il s’engage à garantir leur formation universitaire et à subventionner les Églises pour qu’elles puissent les rémunérer au même niveau qu’avant la modification de la loi. Ces subventions reposent sur deux socles : 1) le décret de 1804 qui permet de financer plus ou moins 58 % des postes ; 2) les prestations fournies par les Églises à la société civile qui sont évaluées tous les quatre ans. Relevons encore pour compléter le tableau que les paroisses continueront à jouir du privilège de lever un impôt pour subvenir aux besoins de la pastorale et à l’entretien des bâtiments.
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