Vivre ensemble ? Pas simple. Il y a en tout cas deux manières de vivre ensemble dont la Bible nous parle : Babel et l’anti-Babel.
Babel ? La tour qui essaye de toucher le ciel. Babel ? La ville que les hommes se bâtissent. Et le récit de préciser : « La terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots… » Plus loin, le projet s’affine : se réunir « sous un seul nom ». Une langue, un peuple, une ville, une tour, un nom, c’est-à-dire une identité unique que l’humanité de Babel se donne pour vivre ensemble.
Babel ? C’est la vieille idée que plus on est tous semblables, plus on pense et agit tous de la même manière, plus on sera heureux et solides.
Mais… problème ! Chaque fois que les humains se sont acharnés à se donner une unité parfaite pour se sentir plus grands et plus forts, cela a mené à la catastrophe.
Un Roi, une Foi, une Loi, disait Louis XIV. Et c’est logiquement qu’il a fini par se trouver obligé d’éliminer les protestants de son royaume.
De manière plus dramatique encore : la conception nazie, de triste mémoire. Phantasme d’une uniformité totale qui conduisit à éliminer les « différents » : Juifs, Tsiganes, Témoins de Jéhovah, homosexuels, handicapés.
Et dans notre monde d’aujourd’hui, en 2019, devant les peurs que génèrent la mondialisation et le multiculturalisme, ressurgissent des envies de nations pures. Attention !
Dans la Genèse, Dieu descend voir Babel. Et sa conclusion est instantanée: arrêt du chantier et dispersion immédiate sur toute la surface de la terre ! Pour le plus grand bonheur de l’humanité, Dieu nous « condamne » à la diversité. La diversité des langues bien sûr, et donc des cultures, des manières de vivre et de penser…
Sans oublier la dimension personnelle. Qui d’entre nous n’a jamais fait partie d’un groupe, où, pour se sentir bien ensemble, on fait semblant de penser tous la même chose, on fait taire les différences, on est incapable d’intégrer de nouvelles personnes ou de nouvelles idées.
Quel couple ne voit pas son unité « romantique » battue en brèche par les différences réelles entre les deux partenaires ?
Quelle Église ne doit pas articuler des différences de sensibilités spirituelles ?
Alors quel autre modèle que Babel pour vivre ensemble ? L’Église, dans les Actes des Apôtres, est créée le jour de Pentecôte (le mot « église » signifie rassemblement, donc « ensemble »). Et si l’Église est fondée par le don de l’Esprit, comment cela se réalise-t-il ? Des images sont appelées en renfort. La venue de l’Esprit ? Du bruit, du vent, du feu. Ces mêmes mots sont du reste utilisés lors du don des dix commandements au Sinaï, qui sont précisément donnés pour permettre de vivre ensemble dans le respect les uns des autres. Le don de l’Esprit apparaît donc bel et bien comme fondement d’un « vivre ensemble ».
Et voilà notre anti-Babel. Chaque disciple reçoit personnellement l’Esprit, « comme des langues de feu », dit le texte. Chacun individuellement, selon ce qu’il est. C’est essentiel. L’Église n’est pas appelée à se construire avec des chrétiens standardisés.
Ensuite, de nombreuses nations sont réunies à Jérusalem. Et se pose le problème des langues, comme à Babel. Mais cette fois, tout le monde ne se met pas à parler le grec, l’anglais de l’époque, mais chacun comprend dans sa langue le message du Christ. Étrange miracle de traduction simultanée ! Mais le symbole est fort. Le message universel de l’Évangile se fait dans le respect de la langue, c’est-à-dire de la culture et de l’identité de tous.
Oui, la Pentecôte se profile bien comme un véritable modèle de vivre ensemble : les disciples sont unis par le même Esprit du Christ et simultanément reconnus et respectés comme personnalités uniques.
Chaque peuple, avec sa culture, est intégré dans la grande nouveauté de l’Évangile et simultanément reconnu et respecté à travers sa langue.
Et quand les Églises et les chrétiens incarnent ce modèle, ils se font prophétiques au cœur du monde.
Pour faire un don, suivez ce lien