Accueil / Culture / Le goût de vivre

Le goût de vivre

 

En 2017, peu après la sortie d’Au gré des jours, Françoise Héritier, grande dame de l’anthropologie, décédait. Ce petit livre amical est comme le testament de celle qui a si bien su honorer l’autre à travers son enseignement, son travail de terrain, ses nombreux écrits, mais aussi son engagement féministe, sa place au Comité consultatif national d’éthique et sa présidence du Conseil national du sida. On s’attendrait à une lecture ardue, mais il n’en est rien. Françoise Héritier poursuit la formule stylistique qu’elle a déjà expérimentée dans le Sel de la vie. Dans une première partie, « De bric et de broc », elle avance par touches, listant ses souvenirs comme autant de moments d’amusement, de trouble, de découverte, d’étonnement… Tel un peintre pointilliste, elle compose le tableau de sa vie avec couleurs et piqûres de lumière : il ne s’agit pas tant de grands moments mais d’innombrables menus événements qui l’ont frappée et construite. C’est un récit incarné où sons, odeurs et textures ont leur place. Mais sa réflexion pointe, bien sûr, et, en ethnologue, elle s’observe elle-même à travers ses réminiscences. Le lecteur y perçoit une constante : sa gratitude pour les aléas de chaque jour, cadeaux et contrariétés.

Dans la deuxième partie, « Façonnages », la prose se fait davantage narration et le fil des souvenirs nous emmène tantôt en arrière tantôt vers le présent. Nous y trouvons ses impressions sur Claude Lévi-Strauss, dont elle était le successeur. Nous sommes parfois avec elle sur le terrain en Afrique ou bien dépaysés par les traditions du Collège de France, lieu finalement assez exotique aussi ! Nous pouvons apprécier le militantisme de Françoise Héritier, tout comme son humour, lorsqu’elle rapporte que le doyen du Collège lui demanda (à elle, seule femme) de prendre des notes pour tout le groupe des collègues : « Mon cher Georges, je ne suis pas programmée génétiquement pour les prendre mieux que vous. »

 Françoise Héritier, Au gré des jours, Paris, Odile Jacob, 2017, 146 pages.

 

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Louise Thunin

Née près de Manhattan, a publié en anglais et en France plusieurs livres et nouvelles. Membre de la paroisse du Mans où elle est aumônier de prison. Elle est la lauréate du PRIX E & L 2014. Pour la souscription à cet ouvrage (Vous êtes la lumière du monde. Lettres à mes amis en prison) cf. p. 26 de ce numéro.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Évangile et Liberté

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading