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Les Églises wallonnes aux Pays-Bas (1)

 

De la fin du 15e au début du 18e siècle, les Pays-Bas espagnols étaient constitués grosso modo des Pays-Bas, de la Belgique et du Nord-Ouest de la France actuels. Dès 1568, les Provinces-Unies se soulevèrent contre le roi d’Espagne Philippe II : ce fut la Révolte des Gueux (la Guerre des quatre-vingts ans) qui conduisit en 1648 à la création de la République des Sept Provinces-Unies, devenues plus tard le royaume des Pays-Bas. Les Provinces-Unies adoptèrent le calvinisme tandis que les provinces du Sud (l’actuelle Belgique et le Nord de la France) restèrent espagnoles, donc catholiques. En cette période d’intolérance religieuse, la situation devint rapidement intenable pour les protestants des régions wallonnes et flamandes ; un grand nombre d’entre eux décidèrent de s’exiler vers le Nord. Ceux d’entre eux qui parlaient le français fondèrent là des communautés protestantes francophones. C’est le début des Églises wallones : une histoire d’exil.

Cet exil ne se limita d’ailleurs pas à la Hollande : les protestants wallons émigrèrent aussi vers le Danemark, la Suède, l’Allemagne, l’Angleterre, et ils contribuèrent grandement à l’essor économique de ces régions. Jusqu’aux États-Unis où, si l’on se promène aujourd’hui dans les rues de New York, on ne manquera pas d’emprunter la Wall Street qui tiendrait son nom des premières générations de Wallons arrivées là – en néerlandais Waal Straat, rue des Wallons. Or il n’y a plus de nos jours qu’aux Pays-Bas que l’on parle des Églises wallones ; ailleurs, elles ont soit disparu, soit troqué leur nom au profit de l’appellation plus rassembleuse « Église réformée/protestante française ».

Mais revenons aux Pays-Bas où les Églises wallones ont gardé leur nom d’origine et la langue française, tout en s’intégrant dans le protestantisme local, à la création duquel elles ont largement participé. Dès 1563, elles ont eu leur propre organisation à côté de l’Église-sœur Nederduits Gereformeerde Kerk (Église réformée néerlandaise), situation qui a duré jusqu’au 12 septembre 1810, date du dernier synode wallon tenu à Kampen. Lorsque Napoléon annexa les Pays-Bas à la France, l’administration nationale de l’Église réformée néerlandaise et des Églises wallones fut dissoute, pour n’être relancée qu’en 1816 avec la fondation de la Nederlandse Hervormde Kerk (NHK, Église réformée néerlandaise) par le roi Guillaume Ier – sur le modèle des Églises wallones qui, pour cette raison, sont nommées parfois « la mère de l’Église protestante aux Pays-Bas ». Dans cette nouvelle structure ecclésiastique subdivisée en dix « provinces », les communautés francophones constituaient la « province wallonne », administrée par la Commission pour les Affaires des Églises wallones et disposant de sa propre organisation. Lors des grands changements de la constitution ecclésiastique en 1951 puis 2010, leur statut de province est passé à celui de l’une des 72 classes (districts), et le nombre de délégués a changé, mais toujours la « classe wallonne » disposa d’une représentation directe au synode général et de prérogatives assez avantageuses compte tenu du nombre des fidèles.

La réalité actuelle, c’est une douzaine d’Églises francophones réparties sur l’ensemble du pays. Elles ont gardé leur qualificatif ‘“wallonnes”, même si depuis longtemps elles ont perdu le lien avec la Wallonie belge et française : de nos jours, le qualificatif « wallon » est quasiment synonyme de francophone. En plus de quatre siècles d’existence, diverses vagues d’exilés y ont trouvé refuge et participé à en modifier la population. Il y a eu les Huguenots venus de France après la révocation de l’Édit de Nantes ; puis les Vaudois issus de la région des Alpes franco-italiennes, qui étaient autrefois francophones ; de nos jours, des familles arrivées d’Afrique francophone. Enfin, n’oublions pas les Néerlandais eux-mêmes qui, pour diverses raisons, choisissent de suivre un culte en français. Aujourd’hui, près de 80 % des paroissiens sont des autochtones qui, en quelque sorte, décident de joindre l’utile à l’agréable – je veux dire : le religieux à leur passion de la culture française. Pour eux, le français est devenu langue de choix et langue de culte, bien mieux maîtrisée que le latin jadis. « Quand je prie en français, quand j’écoute une prédication dans la langue de Voltaire, le langage de la foi prend une toute autre dimension », me confiait une paroissienne.

Certes, depuis le recul de la langue française comme langue internationale, la présence des Églises wallones aux Pays-Bas a tendance à diminuer. Par ailleurs, comme on le devine aisément, un de leurs atouts reste leur diversité culturelle et théologique : avec des familles venues de différents lieux et qui ont essentiellement en commun la foi chrétienne et l’amour de la langue française, cela fait des communautés de croyants caractéristiques au sein du paysage religieux néerlandais pour leur sens de l’accueil, la liberté religieuse et la diversité dans la foi.

 

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À propos Roger Dewandeler

Après des études de théologie (Bruxelles) et d’orientalisme (Liège), Roger Dewandeler 5 exerce le ministère pastoral depuis une trentaine d’années – en Suisse, en Belgique et actuellement aux Pays-Bas dans les Églises Wallonnes (Dordrecht, Breda et Middelbourg). Il a tout récemment publié Spiritualité du Doute, un ouvrage préfacé par A. Gounelle.

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