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Frères de l’Inde, qui dites-vous que je suis ?

 

Swami Veetamohananda

 Swami Veetamohananda, propos recueillis par Frédéric Fournier

Pour vous et pour votre ordre monastique, qui est Jésus ?

 Swami Veetamohananda : Pour nous, Jésus est un avatar, c’est-à-dire qu’il est une incarnation de Dieu. Il existe d’autres avatars comme par exemple Krishna. Ramakrishna (1836-1886) dont la personne et l’enseignement sont à l’origine de notre ordre disait : « L’incarnation de Dieu est toujours la même. Après s’être immergé dans l’océan de la vie, le Dieu unique se dresse à un endroit et est connu sous le nom de Krishna. Et lorsqu’après une autre immersion, il se dresse en un autre endroit, il est connu sous le nom du Christ. »

 F.F. : En s’appuyant sur Jean 14, « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi », un certain nombre de chrétiens croient que Jésus est le seul chemin pour aller vers Dieu.

 S. V. : Je pense que le « Moi » dont Jésus parle n’est pas le « moi » limité par les émotions négatives mais le « grand Moi », c’est-à-dire l’Infini-même ou le divin. Jésus est l’expression de la lumière infinie qui est aussi en chacun de nous. Le but de la vie est de prendre conscience que nous sommes aussi l’expression de cette lumière. Celui qui pratique les disciplines spirituelles permet à son « grand Moi » de se manifester. Ces disciplines sont le bhakti-yoga (la dévotion envers Dieu), le karma-yoga (l’action désintéressée), le jnana-yoga (la philosophie permettant de discriminer entre le réel et l’irréel) et le dhyana-yoga (la méditation silencieuse).

 F.F. : Vous semblez donner une certaine importance à l’action dans la vie spirituelle. Pourtant, Jésus ne valorise pas tant l’action que la grâce, comme par exemple dans son dialogue avec Marthe et Marie (Luc 10,38-41). S. V. : La grâce est la force de Dieu qui est déjà là mais à laquelle nous devons nous ouvrir. Nous sommes comme un bateau que seul le vent peut mouvoir. Il faut simplement ouvrir les voiles pour que le navire puisse bénéficier du vent. C’est ce que permettent les disciplines spirituelles : s’ouvrir au vent de la grâce. Dans le karma-yoga, l’action doit être faite avec la conscience de Dieu et par amour pour lui. Selon moi, Marthe et Marie sont l’expression de l’action et de l’amour qui doivent toujours demeurer unis en chacun de nous.

 F.F. : Rendez-vous un culte au Christ ?

S. V. : Nous adorons le Christ comme Dieu lui-même. Swami Vivekananda (1863-1902), un des fondateurs de notre ordre, a été très touché par les enseignements du Christ. À propos de la parole « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu », le Swami affirmait : « Dans cette phrase se trouve l’essence de toutes les religions. Si toutes les autres Saintes Écritures se perdaient, cette phrase à elle seule pourrait sauver le monde. » À titre d’anecdote, il se déplaçait toujours avec un exemplaire de L’Imitation de Jésus-Christ, cette œuvre mystique du XIVe siècle. Swami Prabhavananda (1893-1976), un moine de notre ordre, a écrit un commentaire du Sermon sur la montagne. Dans notre ashram, nous fêtons Noël chaque année. Nous offrons à Jésus une pûjâ (cérémonie indienne traditionnelle en l’honneur de la divinité). Un ami pasteur vient aussi d’Allemagne célébrer un culte chrétien pendant lequel il prêche sur les récits évangéliques de la nativité.

 F.F. : Vous adorez Krishna et Kali qui sont des divinités indiennes, ainsi que Jésus. Vous relativisez donc les dogmes et les doctrines religieuses.

S. V. : Nous ne pouvons pas dire : « Ma religion est la seule vraie ». Ramakrishna disait à juste titre : « Ne discutez pas sur les doctrines et sur les religions. Elles sont Une. Toutes les rivières vont à l’océan ! La grande eau se fraie mille chemins le long des pentes. Selon les peuples, les âges et les âmes, elle court dans des lits différents ; mais c’est toujours la même eau ! » Dans le futur, il ne sera pas important de savoir à quelle religion nous appartenons, mais si nous sommes purs de cœur, si nous aimons Dieu et l’Homme. Dans cet esprit, chaque année, nous organisons des rencontres interreligieuses avec des représentants chrétiens, juifs, musulmans et bouddhistes pour réfléchir ensemble sur l’idéal vers lequel nous tendons tous ainsi que pour partager nos pratiques spirituelles.

 F.F. : Qu’est-ce qui vous touche le plus dans Jésus ?

 S. V. : Premièrement, sa perfection sur le plan éthique. Deuxièmement, sa faculté d’être inlassablement au service des hommes et le don suprême de soi pour la rédemption de l’humanité. Troisièmement, la simplicité et la profondeur de son enseignement. Le commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » en est un bel exemple. En effet, Dieu est aussi parmi les pauvres. Servir les démunis avec amour revient à servir Dieu. C’est pour cette raison que notre Ordre a fondé en Inde des hôpitaux et des écoles pour les personnes les plus défavorisées.

 

 

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À propos Frédéric Fournier

est pasteur de l’Église protestante unie de France à Massy. Il est engagé dans le dialogue interreligieux notamment avec le bouddhisme. Il pratique et enseigne la méditation chrétienne en région parisienne. .

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