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Fétichisme biblique ?

 

À l’occasion du cinq centième anniversaire de l’affichage des thèses de Martin Luther, on a rappelé à l’envi que l’une des exigences majeures de la Réforme a été non seulement le retour à l’Écriture, mais à l’Écriture seule : sola scriptura.

Reste à bien l’entendre. On en fait volontiers l’équivalent d’un slogan à mettre sur pied d’égalité avec ces autres consignes que sont Solus Christus, Sola gratia, Sola fide : ne se réclamer que du Christ et ne concevoir le salut que par la seule grâce de Dieu et par la seule foi qu’on met en elle.

Et l’Écriture ? C’est en se référant à elle que les réformateurs ont justement pu et voulu faire prévaloir les trois autres exclusives du Christ, de la grâce et de la foi. Cela étant, l’Écriture n’a pas été à proprement parler pour eux un instrument de salut, mais le moyen par lequel ils ont pris plus vivement et plus nettement conscience de ce qui était et reste au cœur de la Réforme : une confiance totale en Dieu tel que le christ Jésus nous le donne à connaître, à aimer, à laisser inspirer l’ensemble de notre existence.

Or l’Écriture dont se sont tellement réclamés les Réformateurs venait au XVIe siècle de bénéficier de l’entrée en scène d’un nouveau média : l’imprimerie. En quelques décennies, les textes de référence de la foi chrétienne sont devenus aisément accessibles, non seulement en hébreu et en grec mais aussi dans les différentes langues vernaculaires dans lesquelles on s’empressait de les traduire. Du coup, leur compréhension et leur interprétation se présentaient comme tout un champ de possibles. Pensons au différend entre Luther et Zwingli : en partageant son dernier repas avec ses disciples, Jésus a-t-il voulu dire que le pain et le vin « étaient » son corps et son sang ou qu’ils les « signifiaient » ? Zwingli avait en l’occurrence de bonnes raisons philologiques de privilégier la seconde possibilité. Mais la fidélité aux idées de Luther était-elle une raison, du côté luthérien, pour récuser absolument cette interprétation zwinglienne ?

On pourrait multiplier les exemples de passages bibliques sujets à une certaine diversité d’interprétations. Et que faire de ceux qui se contredisent ou s’accordent difficilement les uns aux autres ? Les chrétiens les plus soucieux de fidélité au message biblique ne peuvent éviter de choisir entre les passages qu’ils tiennent pour les plus importants et ceux qui leur apparaissent secondaires.

Il ne suffit donc pas qu’une pensée, une doctrine ou une consigne de vie soient dites « bibliques » pour qu’elles soient divinement vraies ou contraignantes. « C’est biblique », nous dit-on parfois en guise d’argument irréfutable. Et alors ? La lecture de la Bible, tout assidue qu’elle puisse être, n’est pas ce qui nous procure le salut, mais seulement l’un des moyens de prendre mieux conscience de la grâce divine qui nous est attestée dans la vie et la prédication de Jésus, le christ.

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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