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Ne pas oublier !

 

Cet été est sorti en DVD un film très important : Les oubliés. L’avantage des DVD est d’offrir une seconde vie à de bons films qui ne seraient restés que peu de temps à l’affiche ; un temps si court qu’il est souvent difficile de les voir dans les salles obscures, en dépit de l’aide que peut fournir un site comme Pro-Fil et sa rubrique « en salle ».

 Résumé du film :

De très jeunes soldats allemands, prisonniers de guerre au Danemark, sont obligés, après la fin de la guerre, de déminer les dunes de la côte danoise. Haïs par les Danois, militaires comme civils, ils tentent de survivre. Certains y réussissent, tandis que le sergent qui les encadre découvre que ce sont avant tout des gamins.

 Analyse :

Les oubliés a reçu le prix du jury œcuménique à Miskolc (Hongrie) et le prix du jury Pro-Fil au Ciné-Festival en Pays de Fayence (Var), prix amplement mérités. Ce film m’a particulièrement touchée car, d’origine allemande, j’ai toujours trouvé dur de porter la responsabilité historique des horreurs nazies. Comment mon peuple a-t-il pu faire des choses pareilles ? Sommes nous tous coupables ? Mon père avait 17 ans au début de la guerre, l’âge des soldats du film. Or, cette jeunesse des prisonniers porte à l’absurde l’idée que les soldats sur le terrain puissent être coupables de la guerre. Celle-ci est décidée par les politiciens – en l’occurrence un fou furieux, et on n’en manque pas dans l’histoire – et elle est rendue possible par les intérêts personnels de ceux qui la financent. Les livres d’histoire relatent des peuples vainqueurs et des peuples vaincus. Mais la réalité est tout autre. Les véritables perdants sont – d’un côté comme de l’autre – les soldats sur le champ de bataille, les civils sous les bombes. Ce sont eux qui sont « punis » par et pour la guerre, alors que les gagnants – d’un côté comme de l’autre également – sont ceux qui en tirent profit. Et je trouve que ce découplage entre la responsabilité et la punition est un des aspects les plus effrayants de toute guerre.

L’autre aspect terrible en est la déshumanisation par le retournement des valeurs morales. Ce n’est plus un crime de tuer, mais un acte héroïque. Comment rester humain dans ce processus infernal ? Et c’est là que le film est très fort : il montre que le chemin vers la sauvegarde de notre humanité passe par la compassion. Le sergent qui au début est fou de rage contre ces jeunes prisonniers découvre en leurs visages, entre effroi et espoir, entre résignation et rêves de jeunesse, le visage de l’autre. Le titre anglais du film ajoute encore un petit plus. « C’est mon pays » crie le sergent à tue-tête au début du film, Land of mine, c’est aussi un pays de mines. Et si une clé du problème résidait précisément dans ce pronom possessif, véritable mine menaçant notre humanité ?   Le devoir de mémoire nous incite à ne pas oublier le passé pour tirer des leçons pour l’avenir. La mémoire humaine se reconstruit à chaque instant en fonction de nouvelles donnes. Et le cinéma, qu’il traite de sujets historiques ou fictifs, par les mises en perspective des problèmes qu’il nous offre, permet d’enrichir ce travail de mémoire.

 

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À propos Waltraud Verlaguet

est docteur en théologie de l’Institut protestant de théologie, à la Faculté de Montpellier. Auteure de nombreux livres, elle a soutenu en février 2003 une thèse sur sur la théologie de Mechtilde de Magdebourg.

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