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L’œcuménisme en Allemagne au seuil du 500e anniversaire de la Réformation

 

L’ACK (Arbeitsgemeinschaft Christlicher Kirchen) est le pendant allemand du Conseil d’Églises chrétiennes en France. Il a été créé quelques mois avant la fondation du Conseil Œcuménique des Églises (COE), en 1948, par cinq Églises protestantes qui voulaient être représentées ensemble au COE. Dans les années qui suivirent, le nombre d’affiliations à l’ACK augmenta constamment, surtout après 1974 et le concile Vatican II : l’Église catholique romaine, puis la Métropolie orthodoxe grecque d’Allemagne, devinrent aussi membres ordinaires de l’ACK. Après la réunification de l’Allemagne et la dernière admission, l’ACK compte aujourd’hui dix-sept Églises membres. À celles-ci s’ajoutent six Églises ayant le statut d’hôtes avant d’être admises comme membre ordinaire, cinq communautés observatrices, dont les Quakers, et quatre groupes d’activités œcuméniques laïques sans appartenance à une Église déterminée.

Ainsi, dès les années 1980, après avoir été longtemps une « chasse gardée » bilatérale luthéro-catholique, l’œcuménisme allemand est devenu multilatéral et s’est ouvert à beaucoup d’Églises autrefois vues comme dissidentes ou sectaires, les considérant dès lors davantage comme un enrichissement que comme quantité négligeable.

Cette évolution vers une compréhension plus éclectique de l’œcuménisme est également due à la reconnaissance dans les milieux chrétiens de deux réalités inéluctables. La première, celle de la vanité de la volonté d’unifier les confessions et Églises chrétiennes en une seule et même Église avec une seule et même conception dogmatique du christianisme. La seconde réalité inéluctable est la pression grandissante de l’islam, mais surtout la recrudescence d’un sécularisme exacerbé. Ces deux mouvements mettent les Églises chrétiennes devant la nécessité existentielle de conjuguer leurs témoignages de foi, plutôt que de perpétuer les querelles de chapelles. Seul un mouvement commun pourra mener à la sauvegarde du message évangélique et à l’affermissement de sa faculté transformatrice.

Évidemment, cette vision reste encore trop souvent le privilège de personnes inspirées et ouvertes au changement au sein de chaque Église membre de l’ACK, qui sont également prêtes à y occuper une fonction pour faire progresser la cause. Les structures hiérarchiques, les rites et les dogmes des différentes Églises sont encore des noyaux tenaces d’identité liée à leur particularité, masquant la source universelle et essentielle de leur foi commune. Ainsi les résolutions de l’ACK votées le plus souvent à l’unanimité (presque à la manière des Quakers !) ont parfois de la peine à obtenir l’accord officiel des autorités de certaines Églises membres, ce qui peut retarder leur entrée en vigueur. Cependant, leur application par la plupart des membres sans attendre l’accord des retardataires contribue beaucoup à ce que ceux-ci cèdent bientôt à la pression des forces progressistes en leur sein.

Un exemple spectaculaire d’accord entre les Églises obtenu après un travail assidu de l’ACK, et surtout de ses représentants au sein de leurs Églises respectives, est la reconnaissance formelle par tous les membres du baptême reçu dans chaque Église membre. Cela facilite beaucoup les mariages interconfessionnels ou les changements de confession (voire de dénomination) d’un croyant. Ainsi, celui-ci n’est plus considéré comme un candidat à la conversion mais comme quelqu’un désirant habiter une autre des « chambres de la même maison » lui semblant mieux correspondre au stade actuel de sa religiosité. L’ACK de Bavière a même conçu un petit guide aidant les acteurs et les accompagnateurs à entourer ce passage d’une confession à l’autre dans une atmosphère conciliante.

Pour l’Allemagne, il est certain que les rapports non seulement très constructifs mais souvent amicaux entres les représentants des Églises membres de l’ACK ont joué un rôle très positif dans les discussions sur la manière adéquate de commémorer le 500e anniversaire de la Réforme. C’est ainsi que l’Église luthérienne, au lieu de saisir cette occasion pour fêter seule son jubilé, a invité, par un geste sans précédent, les autres Églises, et évidemment surtout l’Église catholique romaine, à se joindre à elle pour en faire un moment de réconciliation et pour porter un regard commun sur les incidences finalement positives et enrichissantes de cet événement. Panser les mémoires est devenu le but commun des cultes et des manifestations commémoratives de la Réforme. Psychologiquement parlant, il s’agit d’un abandon solennel et mutuel des ressentiments que chacun avait cultivés jusque-là. Évidemment, il y a encore beaucoup de pain sur la planche, mais l’optimisme que suscite la joie sincère de se retrouver autour d’une même table, et de plus en plus souvent autour d’une même table de communion, est contagieux. À mon avis, cette commémoration du cinq centième anniversaire de la Réforme peut être considérée comme le point de non-retour sur la voie de l’œcuménisme en Allemagne.

 

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À propos Maurice de Coulon

descendant de Huguenots, est né en Suisse. Il est devenu quaker en 1967. Il est délégué des Quakers de Bavière à l’ACK, groupe œcuménique allemand. Il a traduit « Paroles du Christ » de Michel Henry en allemand.

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