Il y a bien plus de chrétiens ventriloques qu’on ne croit ! Au cours de pieuses réunions, ou du haut d’une prédication tonitruante, plus d’un nous invite solennellement à « écouter ce que nous dit aujourd’hui la Parole de Dieu ». Et chacun de prêter une oreille attentive. Cependant, les auditeurs dotés d’un minimum de sens critique ne peuvent manquer de repérer qu’en fait, ce sont parfois leurs propres idées que ces prophètes inspirés s’efforcent d’inculquer à autrui, même s’ils les habillent de citations bibliques ! Ces nobles serviteurs de la Parole sont en fait des ventriloques qui tentent de faire passer leur propre voix pour celle d’un Autre !
D’autres chrétiens (ou les mêmes dans d’autres circonstances) sont au contraire des bibliophages : comme le voyant de l’Apocalypse (Ap 10) ou son modèle Ézéchiel (Ez 3), ils mangent le livre de la Parole de Dieu, ils en font la substance de leur vie, l’inspiratrice de leur action. Et la preuve que ces bibliophages ne sont pas des ventriloques, c’est que parfois, ils ont du mal à digérer la Parole : elle peut leur occasionner de douloureuses coliques (Ap 10,9-10) !
On objectera sans doute que la visite de la Parole dans nos vies peut n’être qu’une opération toute naturelle de notre esprit : face à une question existentielle, la mémoire rameute tel ou tel verset biblique qui semble apporter une réponse. Comment pourrait-il en être autrement ? Si le Verbe de Dieu s’est fait chair dans nos limites humaines, et si la Parole de Dieu s’est incarnée dans toute l’humanité des écrivains bibliques, pourquoi faudrait- il qu’elle nous atteigne autrement qu’à travers l’exercice de nos propres facultés ? Imaginer que l’inspiration biblique de notre action ou de notre pensée puisse être une opération surnaturelle relève de la pensée mythique. Ce n’est pas ainsi que s’accomplit l’appel en nous de la Parole de Dieu : son incarnation modeste et si bellement humaine !
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