La Centrafrique a longtemps vécu avec une triste et terrible crise politique. De 2012 à 2015, elle a été déchirée par un conflit intercommunautaire. La confrontation entre le groupe musulman Séléka et le groupe, principalement chrétien et animiste, anti-balaka, a conduit à de graves violations des Droits de l’Homme. Au départ, le conflit était essentiellement politique mais progressivement, il a pris un caractère religieux.
Les affrontements ont commencé en 2012, lorsque le groupe Séléka, un mouvement de rebelles armés, organisé et représenté par les musulmans dans le nord du pays et d’autres groupes mécontents du pouvoir politique en place, a lancé une offensive militaire majeure. Il s’est emparé du pouvoir en 2013. Le groupe anti-balaka a commencé par combattre les forces armées de Séléka en juin 2013 et a fini par attaquer des populations civiles musulmanes. Les Séléka ont riposté en tuant des non-musulmans.
C’est donc dans ce contexte de haine religieuse qu’une plateforme des leaders religieux centrafricains a été mise en place. Peu connue début 2013, elle a fini par avoir un impact positif sur la vie du pays. Formée fin 2012, cette plateforme est dirigée par trois chefs religieux : l’archevêque de Bangui, Monseigneur Nzapalaïnga, le président de l’Alliance des évangéliques en Centrafrique, le pasteur Anicet Guerekoyame, et le président national de la communauté des musulmans centrafricains, l’imam Kobine Lamaya. Ces trois responsables religieux se sont réunis parce qu’ils ont vu dans leur unité une possibilité de construire la paix au-delà de leurs différences religieuses. Ce but est porté dans leur devise, maboko na maboko téné ti siriri, ce qui signifie « ensemble pour la paix ». Leur mission est d’intervenir sur toute l’étendue du territoire centrafricain, de maison en maison, de famille en famille, et de personne à personne, pour apporter aux Centrafricains un message de guérison, de restauration, de réconciliation, de paix et d’espoir d’un lendemain meilleur.
En 2013, la plateforme est devenue incontournable et a largement été reconnue au niveau national comme international pour sa capacité de leadership et ses actions menées. Pas une semaine ne pouvait se passer sans que les trois hommes ne soient sollicités par le gouvernement pour négocier la paix entre les communautés chrétienne et musulmane. La présence de cette plateforme interreligieuse est donc devenue très importante un peu partout dans le pays, là où le gouvernement et les forces conventionnelles internationales ne semblaient pas en mesure de trouver des moyens pacifiques pour mettre fin à la violence.
La plateforme a joué un rôle important dans la création d’une passerelle entre le gouvernement et les porteurs d’armes. Alors que de nombreuses organisations non gouvernementales sont orientées vers l’aide humanitaire, la plateforme, elle, fonctionne et plaide pour une fin du conflit dans le pays. Bien qu’elle n’ait jamais joué un rôle de médiateur à proprement parler, elle a exploré néanmoins des possibilités pour que les deux partis en guerre se réconcilient et puissent rester en contact comme des frères et sœurs, fils et filles d’un même pays. Par cette démarche, elle a su créer de la confiance des deux côtés.
À maintes reprises, les trois leaders religieux ont été reçus par le gouvernement, qui les a encouragés dans leurs engagements pour la paix. C’est ainsi qu’au début de l’année 2014, ils ont été impliqués dans les pourparlers de paix et de réconciliation nationale en tant que conseillers spirituels et observateurs du processus d’une paix durable. C’était un vide qui n’avait jamais été rempli par aucune organisation de la société civile en Centrafrique. La plateforme a été en mesure de combler cette lacune, elle a également dénoncé la violence des porteurs d’armes. En effet, elle s’est engagée jusqu’à déclarer qu’elle ne s’arrêterait pas dans son combat tant que la paix ne serait pas advenue. En outre, elle ne s’est jamais rangée du côté des partis en conflits, mais s’est toujours identifiée aux personnes vulnérables. Elle s’est opposée aux groupes armés en raison de leurs violences commises sur la population et a dénoncé le gouvernement pour son incapacité à apporter la paix à la population. Une telle position lui a permis de participer à l’éducation à la paix pour atteindre son but : une société pacifiée en profondeur. Cette éducation s’est faite grâce à la formation des communautés locales et à la proximité des chefs traditionnels. La plateforme s’est engagée dans nombre d’activités pour la paix en Centrafrique. Ses programmes ont forgé le pardon, ont réinséré d’anciens rebelles. Grâce à son dévouement et à sa persévérance, elle a fait des pas importants vers la paix qu’elle espère pour la Centrafrique.
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