Certaines de nos Églises-sœurs ont adopté des déclarations de foi, d’autres se contentent des symboles des premiers siècles et des confessions de foi de la Réforme. Les raisons pour choisir l’une ou l’autre option sont variées.
L’argument d’autorité
Dans une certaine logique anglo-saxonne, ancienneté vaut autorité. Aussi les textes anciens peuvent difficilement être remplacés sous prétexte que leur formulation ne parle plus aux gens d’aujourd’hui. L’Église d’Angleterre n’a par exemple pas de déclaration de foi contemporaine. Elle se réfère aux credo apostoliques, aux « Trente-neuf articles » (1563) et au « livre de la prière commune » (1549-1662). L’Église est appelée à « proclamer cette foi à nouveau à chaque génération ». L’Église vaudoise d’Italie formule également sa foi avec sa confession de 1655. Il semble que là aussi, la « fidélité à la foi des ancêtres » prime.
L’absence de besoin
Plus généralement, les Églises majoritaires éprouvent moins le besoin de reformuler leur foi – et donc de préciser qui elles sont et ce en quoi elles croient – que les Églises minoritaires. C’est ainsi que l’Église protestante en Rhénanie (EKiR) n’a pas d’autre confession que celle d’Augsbourg et que le catéchisme de Heidelberg (1563). De l’aveu même de certains responsables de l’EKiR, « le besoin d’une déclaration de foi propre ne se fait pas sentir ». Il faut dire qu’en Allemagne, les Églises sont organisées par Land ; adopter une déclaration de foi, c’est risquer de se démarquer des Églises des Länder voisins, alors que la confession d’Augsbourg est un élément d’unité entre les institutions membres du service national des Églises allemandes (EKD)…
La crainte des divisions
La question d’une nouvelle déclaration de foi pour une Église se pose généralement dans deux cas de figure : soit il y a modification profonde de sa composition ou union entre elle et une ou plusieurs autres Églises, soit les changements de contexte ou de mentalité de la société dans laquelle elle s’inscrit la poussent à reformuler avec des mots d’aujourd’hui la « foi de toujours ». Mais rechercher une nouvelle façon de dire sa foi fait courir le risque de voir (re)surgir des désaccords ou des tensions. C’est ainsi qu’au moment de la création de l’Église protestante unie de Belgique en 1979, un groupe avait été chargé de travailler sur un texte de déclaration de foi… avant d’y renoncer : les discussions n’avaient pas permis d’aboutir à une proposition acceptable par tous. La référence aux confessions de foi passées a alors servi à poser le cadre théologique de l’Église.
Une foi, de multiples formulations
L’Église unie du Canada a choisi, pour sa part, de réviser régulièrement ses formulations de foi, dans un souci de clarté et de lisibilité pour ses contemporains. Elle affirme : « L’énoncé de la substance de notre foi est un processus continuel. » C’est ainsi que la déclaration de foi de 1940 côtoie une confession de foi adoptée en 1968 (révisée en 1980 et 1994), formule courte et adaptée à la proclamation liturgique ; à cela s’ajoute un « Notre foi chante » adopté en 2006, sorte de poème épique présentant la foi de l’Église unie sous la forme d’une narration de l’histoire d’amour entre les êtres humains et Dieu, de la création à l’espérance eschatologique. Il semble ici que chacune corresponde à une fonction différente d’une confession de foi : dogmatique pour la première, liturgique pour la deuxième, poétique/narrative pour la troisième (sa fonction est de resituer la communauté croyante dans « l’histoire » de la révélation et l’événement du salut).
Une déclaration de foi pour assumer sa pluralité
La déclaration de foi de L’Église évangélique au Maroc (2011) est originale en ce qu’elle affirme l’identité de l’Église comme « une famille ». Cette formulation, par laquelle débute chaque paragraphe, met en avant l’unité et la pluralité au sein de cette Église marquée par une grande diversité théologique (des réformés aux néo-pentecôtistes) et culturelle. Par ailleurs, sa structure est classique (références trinitaires et focalisation sur l’identité de l’Église). Plutôt que de définir qui est Dieu, Père, Fils et Esprit saint, elle insiste sur son action dans le monde et dans l’Église, dessinant ainsi une auto-compréhension de celle-ci et de sa vocation, en s’appuyant sur de nombreuses citations bibliques.
Les textes d’accords théologiques déclarant la pleine communion, comme la concorde de Leuenberg (1973), sont-ils des déclarations de foi ? Ils sont une façon de « dire collectivement notre foi » ; de plus, un processus de réception et/ou adoption dans les Églises signataires leur a donné un statut d’autorité doctrinale. La Concorde de Leuenberg est par exemple mentionnée dans le préambule aux statuts de l’union nationale de l’Église protestante unie de France (ÉPUdF), après les livres symboliques luthériens et la déclaration de foi de 1938 de l’Église Réformée de France, et avant un résumé des fondements de la foi de l’ÉPUdF, ce qui montre son statut d’autorité. Mais il leur manque la dimension liturgique et surtout la dimension poétique et narrative qui fait la force d’appropriation et d’adhésion des déclarations de foi contemporaines…
Ainsi, travailler à une nouvelle déclaration de foi peut être source de tensions, mais aussi révélateur de la richesse interne d’une Église et de sa capacité à dire sa foi aujourd’hui de façon ouverte et accessible.
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