Alfred Loisy naît le 28 février 1857 dans une famille paysanne assez aisée. De santé fragile, il entre à dix-neuf ans au grand séminaire de Châlons-sur-Marne. Il s’y trouve vite écartelé entre sa fervente piété et la médiocrité de l’enseignement scolastique. Cependant, sa découverte de l’hébreu – en autodidacte d’abord – va changer sa vie.
Ordonné prêtre en 1879, il est nommé – à 22 ans ! – curé d’un village minuscule, ce qui lui laisse le temps de poursuivre ses études bibliques. Il découvre les apports de l’exégèse critique protestante – grâce à l’un de ses maîtres qui entendait en dénoncer « les aberrations et la criminelle révolte contre la tradition ! ». Mais Loisy était déjà bien convaincu que la lecture fondamentaliste qui avait cours alors dans l’Église catholique n’est pas « tenable ». Il achève sa formation à l’École des Hautes Études et au Collège de France et devient professeur d’ « Écriture sainte » à l’Institut catholique de Paris.
Parallèlement à son enseignement, il crée une petite Revue d’Enseignement biblique pour diffuser ses idées. Son propos n’est pas seulement exégétique – procéder à une « étude scientifique des textes bibliques » – il ambitionne de « renouveler de fond en comble la théologie catholique ». Mission impossible ! L’Église romaine campe alors sur ses certitudes que le dogme de l’Infaillibilité pontificale (1871) semble avoir définitivement verrouillées. Elle se comporte comme une citadelle assiégée, considérant comme autant d’agressions toutes les évolutions de la société qui l’entoure.
Les menaces s’accumulent au-dessus de la tête de Loisy. En 1893, il est démis de son enseignement et devient pendant cinq ans aumônier d’un collège de jeunes filles à Neuilly ! En 1903, le pape Pie X est élu : c’est un adversaire résolu de tout dialogue avec le monde contemporain. Les services du Vatican créent le terme « modernisme » pour dénoncer toute recherche théologique ou exégétique qui leur paraît pactiser avec « le monde ». Ils lancent une véritable « chasse aux sorcières » à l’encontre de tous les fidèles suspects de cette « hérésie ». Il est sévèrement interdit aux fidèles de lire par eux-mêmes la Bible et un « serment antimoderniste » est exigé des futurs prêtres. Plusieurs ouvrages de Loisy sont inscrits à l’ « Index » ; un décret pontifical condamne plusieurs de ses « thèses ». Et finalement, en 1908, il est excommunié « vitandus » (à éviter) : c’est un devoir pour tout bon catholique de n’avoir aucun contact avec lui !
Loisy qui n’avait jamais souhaité se séparer de son Église est effondré. Mais, très vite, il est élu au Collège de France où il peut poursuivre ses recherches en exégèse et histoire des religions. Il prend sa retraite en 1932 et meurt en juin 1940, pendant l’invasion de la France par l’armée allemande.
On ne peut manquer d’observer que les thèmes majeurs de l’exégèse « loysiste » rejoignent les positions du protestantisme : doute sur la naissance virginale de Jésus et l’authenticité des miracles et prodiges qui lui sont attribués ; certitude que les évangiles ne sont pas des récits historiques, mais le témoignage des premières communautés chrétiennes, etc. Un certain nombre d’exégètes catholiques partagent aujourd’hui ces vues. Au fond, le tort de Loisy est d’avoir eu raison trop tôt !
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