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Aurais-je aussi peur de mourir ?

 

Reymond Berrnard 2 En ouvrant le dernier livre de Laurent Gagnebin dans lequel il exprime publiquement sa peur de la mort, je savais que je ne ressortirais pas indemne de cette lecture. Je reçois sa manière très personnelle d’en parler comme une invitation à réfléchir à ma propre mort.

Mais d’abord une question : est-ce une peur de la mort ou de ce qui précède la mort ? Il parle avec beaucoup de finesse et de sensibilité de celles et ceux dont il a accompagné les dernières heures ou les dernières années de vie – des années qui peuvent tourner au cauchemar, parce qu’ils souffrent dans leur corps ou leurs affections, qu’ils perdent leurs forces ou leur mémoire, ou encore que la solitude leur pèse. Il y a de quoi en avoir peur, soit pour soi-même, soit pour ceux et celles que l’on aime ou dont on se sent très proche. Et les raisons d’y penser ne manquent pas, mais je sais aussi que les faiblesses ou les accidents de santé peuvent être l’occasion de très belles heures de cohésion conjugale ou familiale.

Comme nous en parlions, Laurent m’a précisé que, pour lui, la mort proprement dite est moins un objet de crainte que de révolte contre une « violence indue », comme l’écrivait Simone de Beauvoir. Et Laurent d’affirmer que « la foi ne saurait être une solution de facilité pour rendre cette mort inéluctable moins terrible ». C’est vrai que les écrits bibliques parlent souvent d’elle comme d’un ennemi, et même d’un ennemi redoutable. Mais faut-il surenchérir sur ces textes comme le font parfois de jeunes pasteurs (j’en fus un, je le reconnais) qui, dans leurs homélies funèbres, croient devoir évoquer tout ce que la mort peut avoir de contraire à nos désirs ou nos sentiments les plus chers ? Plus les années ont passé, jalonnées de services funèbres que j’ai dû présider ou auxquels j’ai assisté, et plus s’est imposée à moi la nécessité de rappeler combien la mort, surtout en cas de décès dans le grand âge, n’a rien de dramatique mais est au contraire dans l’ordre des choses.

Certains de nos contemporains entretiennent l’espoir qu’un jour la vie humaine puisse n’avoir plus de fin. Je trouve ce rêve vraiment terrifiant : devoir se supporter indéfiniment. Notre chance est au contraire que notre existence soit limitée dans sa durée, ce qui nous permet d’y penser sereinement. Comme Laurent le rappelle à juste titre, nous ne savons rien sur ce qui nous attend après la mort – rien, sinon que nous pouvons nous en remettre à l’amour de Dieu et à sa providence. Je trouve mon réconfort dans l’idée et la conviction que la limitation inéluctable de notre existence est une raison de plus de consacrer toute notre attention à ce dont est faite notre vie de chaque jour. Pour le reste, je ne peux que m’en remettre à Dieu seul qui, justement, pourvoira.

Laurent évoque les cimetières, ces derniers repaires des orgueils ou des drames familiaux. Je trouve très désagréable l’idée que, si je devais être enterré, ma tombe serait désaffectée après quelques années, plus désagréable encore le fait qu’il suffirait de payer pour en retarder le moment. Les rois d’Égypte se seraient-ils fait aménager leurs somptueux tombeaux s’ils avaient su que des archéologues sans vergogne viendraient y mettre leur nez ? Ne laissons pas la mort et ses symboles envahir à ce point notre vie !

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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