Depuis des siècles, la foi a informé et influencé la politique. Que l’on songe aux rois d’Israël, au souverain babylonien Hammurabi et à son célèbre code, ou à l’Église anglicane à l’époque du roi Henri VIII : la foi et la politique ont traditionnellement été compagnes l’une de l’autre. Mais aujourd’hui, en Occident, nous nous considérons plutôt comme des États sécularisés et, aux États-Unis, la séparation des Églises et de l’État est devenue un pilier de la démocratie. Aux États-Unis, historiquement, la foi des présidents a été protestante (John F. Kennedy est à ce jour le seul président catholique). Cela est dû à l’histoire des premiers États, dans lesquels le protestantisme, en particulier sous ses formes épiscopalienne, presbytérienne, unitaire et méthodiste, était très fort.
Parmi les candidats à l’élection présidentielle du cycle électoral actuel, celle qui manifeste le plus le rôle traditionnel de la foi est Hillary Clinton. Elle est membre d’une Église méthodiste et professe l’action positive de Dieu dans la vie, tout en laissant la politique plutôt à part.
Mais cette année, la tradition est aussi prise à contre-pied. Un phénomène populiste prend d’assaut le processus électoral, et une partie de l’électorat, qui se sent ignorée par ses représentants, rejette tout ce qui appartient à la tradition. Ce phénomène laisse la porte ouverte à des candidats qui rompent avec la tradition, des candidats qui tiennent un discours dans lequel la foi et la politique s’entremêlent. Du plus traditionnel au moins traditionnel, voici un parcours des candidats et l’impact de la foi sur leur politique dans ces primaires.
John Kasich, épiscopalien
« Dieu vous a créé unique, et vous avez une tâche unique à accomplir dans ce monde ». Kasich, le Républicain le plus modéré, est de loin le plus traditionnel dans son attitude à l’égard et de la foi et de la politique. Démontrant le lien typique entre le protestantisme et l’individualisme, cet épiscopalien favorise un pouvoir concentré davantage sur les individus que sur l’État, et des programmes sociaux dirigés au niveau de chaque État et non plus par le gouvernement fédéral. Kasich parle souvent d’une responsabilité envers les « plus petits », faisant référence à Matthieu 25, et il appelle les électeurs à changer la vie des individus dans leurs propres communautés.
Bernie Sanders, juif non-pratiquant
« Quand vous avez mal, quand vos enfants ont mal, j’ai mal… c’est ça ma religion. » S’il était élu, Sanders serait le premier président juif des États-Unis. Le mouvement populiste lui donne une chance d’être élu cette année, une chance qu’il n’aurait jamais eue auparavant. Sanders a reçu une éducation juive et contrairement à Kasich, il ne rejette pas l’esprit communautaire, terreau fertile pour la politique sociale-démocrate historiquement refusée par les Américains. Bien qu’il soit juif, Sanders est non-pratiquant et il parle plutôt de spiritualité que de religion.
Il est intéressant de relever qu’une majorité de l’électorat américain préfère qu’un candidat juif soit non-pratiquant et assure qu’il sépare bien la foi et la politique, alors que ce même électorat préfère que les candidats chrétiens soient pratiquants, tout en espérant que ces derniers mettront leur foi de côté une fois élus.
Ted Cruz, baptiste du sud
« Défendre la liberté de religion, ce n’est pas simplement un souci constitutionnel ; c’est une passion et un engagement personnel pour toute la vie. » La foi de Cruz se lie fortement à sa politique, ce qui fait de lui l’opposé de Sanders. Il a un sens de la responsabilité personnelle strict, et ses positions sur des questions comme le mariage homosexuel et l’avortement reposent principalement sur sa foi évangélique, que ses partisans fervents partagent. Profitant lui aussi du phénomène populiste, Cruz doit une partie de son succès au fait révolutionnaire qu’il intègre la foi à la politique. Il plaît à la foi des électeurs, priant souvent avec les personnes venues assister à ses meetings politiques et à qui il promet de faire l’oeuvre de Dieu en tant que Président.
Donald Trump, presbytérien non-pratiquant
« La spiritualité est une grande question, mais nous avons besoin de quelqu’un de puissant. Souvent, les prêtres et les autres ont tendance à être un peu faibles. » Assurément révolutionnaire, Trump, tout comme Cruz, capitalise sur le courant populiste explosif. Mais contrairement à Cruz, il n’est que peu croyant et ne s’en cache pas. Il est souvent au cœur de controverses, professe des positions politiques qui ne sont pas celles de la « droite chrétienne », et s’est même retrouvé dans une querelle avec le pape. Il trouble également la politique sécularisée en promettant aux évangéliques de protéger leur droit à leur foi, sous-entendu aux dépens de la foi des autres. Mais, paradoxalement, la droite chrétienne l’accepte.
En janvier 2017 lors de l’investiture, l’officiant mettra sa main sur la Bible et fera prêter serment au vainqueur, lui demandant d’« exécuter fidèlement l’office de Président des États-Unis » et de « préserver, protéger et défendre la Constitution des États-Unis ». On peut se demander quel rapport à la Bible aura celui qui prêtera serment.
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