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La tempête apaisée Matthieu 8,23-27

Jésus et ses disciples sont dans une barque, au bord du naufrage. Jésus dort mais est réveillé par ses disciples terrorisés. Il impose le calme à cet ouragan. Nous vous proposons trois lectures différentes de ce récit :

 Divinité et humanité

On a trouvé à ce récit de miracle une visée apologétique : montrer ou même prouver ce que certains nomment la « divinité » de Jésus. Comme Dieu qui agit à travers lui, il est maître de la création. Il a donc un pouvoir divin. Ce miracle est inscrit au milieu de plusieurs récits de guérisons. Jésus réalise aussi ici une guérison : celle du lac ; Jésus d’ailleurs « menace » les éléments déchaînés, comme il le fait avec les démons des possédés. Le salut, dans la Bible, concerne la création tout entière et non pas la seule humanité.

Ce que d’aucuns appellent la « divinité » de Jésus n’a rien à voir avec une « nature » divine, telle qu’elle sera définie par des dogmes. Elle n’est pas une essence, une réalité en soi et autonome, mais au contraire elle est de l’ordre du relationnel et de l’existentiel, elle est tissée dans une rencontre, un dialogue avec les disciples, une foi mise à l’épreuve ; il n’est pas question d’un savoir doctrinal et rationnel.

Mais en maîtrisant ainsi la création, il me semble que Jésus réalise en fait ici la condition humaine. D’après le grand mythe de Genèse 1,26 et 28, l’être humain reçoit la mission de « dominer » la création. En maîtrisant ici une tempête, Jésus réalise donc pleinement la vocation humaine ; il est présenté là comme l’être humain par excellence. Il accomplit notre vocation première et ultime. Ce qu’on désigne par la « divinité » de Jésus n’est-il pas alors avec lui l’accomplissement et la perfection de notre « humanité » ?

 Foi et doute

L’apostrophe de Jésus « hommes de peu de foi » adressée aux disciples terrorisés par la tempête est, selon certains, le centre de ce récit. Il ne s’agit pas là d’une condamnation ; ce récit est en effet réconfortant, encourageant. Jésus appelle une foi qui nous permet de traverser des épreuves apparemment insurmontables.

Jésus nous rejoint dans notre doute ; ce dernier n’est pas un barrage qui l’empêche d’agir. Il opère au contraire au cœur de notre doute, non pas malgré lui, mais avec lui. Il ne juge pas, il nous interpelle. La foi d’ailleurs n’existe pas sans le doute. Elle est un doute surmonté, dépassé, « le refus d’un refus » (François Mauriac). La foi et le doute se supposent et non pas s’opposent.

La foi et le doute ne sont-ils pas solidaires ? Alexandre Vinet (1797-1847), le théologien vaudois, écrit : « Là où l’incrédulité est impossible, la foi est impossible aussi. »

 Vie et mort

« Seigneur, sauve-nous, nous périssons ! » Cet appel au secours est peut-être bien le cœur du récit. Tout le texte est dans un contexte de mort. Le verset 22, qui précède directement notre passage, se conclut par « laisse les morts ensevelir leurs morts ». Et le verset 28 qui le suit immédiatement parle de « deux démoniaques sortant des tombeaux ». La barque est bien ici une barque-cercueil. Jésus dort comme on dort du sommeil de la mort. On remarquera que le mot « tempête », contrairement à ce qui est écrit dans bien des traductions inexactes, n’est pas utilisé ici ; le texte parle en effet d’un tremblement de terre. Ce « séisme » aura lieu de nouveau au moment de la crucifixion (Mt 27,51) et de la résurrection (Mt 28,2). D’autre part, le terme utilisé pour dire que Jésus s’est « réveillé », qu’il s’est mis « debout », qu’il s’est « levé » (selon différentes traductions) est en grec exactement le même que celui utilisé, tout profane, pour dire « ressuscité ». Ce récit n’est-il pas en fait et surtout pour son auteur une annonce de la mort et de la résurrection de Jésus, une préfiguration de la Passion ? N’est-ce pas cela d’abord le sens de ce texte ?

Le « grand calme » final, c’est la paix retrouvée, la confiance, la victoire de la vie sur la mort à Pâques et sur nos terreurs vaincues. Qui est cet homme à qui « même le vent et les flots obéissent », demandent au sujet de Jésus ceux qui ont assisté à cette scène. La question est toujours la même : qui est Jésus pour nous ? « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mt 16,15

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À propos Laurent Gagnebin

docteur en théologie, a été pasteur de l'Église réformée de France, Paris ( Oratoire et Foyer de l'Âme ) Professeur à la Faculté protestante de théologie.Il a présidé l’Association Évangile et Liberte et a été directeur de la rédaction du mensuel Évangile et liberté pendant 10 ans. Auteur d'une vingtaine de livres.

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