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« Mais que veulent-elles encore? »

291_Aout2015_Web-17Tel est le titre d’un spectacle créé il y a quelques années par un collectif, afin de retracer l’histoire de la question de l’égalité entre femmes et hommes et celle de l’obtention du suffrage féminin en Suisse. Ah oui, c’est vrai, ces Suissesses qui n’ont pu voter que si tard, en 1971 ! Comment est-ce possible, dans un pays pourtant démocratique et développé ? La Nouvelle-Zélande fut le premier État à accorder le droit de vote à ses citoyennes (1893). La Finlande l’a fait en 1906, l’Albanie en 1920 et presque toutes les autres nations… avant la Suisse !

La raison de cet incroyable retard ? La démocratie directe ! Afin de modifier la Constitution fédérale tout nouvel article doit être accepté par une double majorité : celle des votants et celle des cantons. Et qui a le droit de s’exprimer par les urnes jusqu’en 1971 ? Les hommes ! Ce sont donc eux qui, par leur bon vouloir, vont accepter ou non que les femmes participent à part entière à la vie politique. Le 1er février 1959 eut lieu une première votation : le suffrage féminin « intégral », c’est-à-dire comportant les droits à la fois de vote et d’éligibilité, fut refusé par 66,9 % des voix. La deuxième tentative fut la bonne : le 7 février 1971, 65,7 % des votants, tous des hommes, modifient la Constitution fédérale en acceptant le suffrage féminin.

 Une association militante

Dès la fin du XIXe siècle, divers mouvements voient le jour, en Suisse et à l’étranger, afin de promouvoir « Mais que veulent-elles encore? » Martine Chapuis Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes a encore de beaux jours devant lui… Martine Chapuis, présidente de l’ Association suisse pour les Droits de la femme nous présente l’action de ce mouvement. vue d’ailleurs l’égalité des droits politiques. Lorsqu’en 1909 naît l’Association Suisse pour le Suffrage Féminin (ASSF), elle est formée de plusieurs groupes locaux ou cantonaux attachés au même but. Leurs actions sont multiples, souvent originales ; les suffragistes ne se relâchent jamais, déposent des pétitions auprès du Parlement, organisent des conférences, s’assurent le soutien de personnalités en vue, obtiennent des chroniques régulières dans les grands quotidiens, se mettent en grève… Si elles sont pugnaces, elles ont aussi le sens de l’humour : il faut savoir user de tous les moyens afin de convaincre. Les résistances sont nombreuses, et pas seulement chez les hommes. Mais les militantes sont armées d’une « ardente patience : faite de colère et d’espoir, de la rage de convaincre et de la volonté de subvertir les mécanismes générateurs d’inégalités » (Ruth Dreifuss, première présidente de la Confédération suisse en 1999).

 Encore ?

Après l’obtention du suffrage féminin et passé les fêtes et la joie du succès, le combat était-il terminé ? Parallèlement à cette lutte, d’autres revendications avaient été mises en avant pour l’obtention de droits égaux entre les femmes et les hommes : le travail, l’éducation, la culture, la famille, l’autonomie, le partage des tâches, le langage et d’autres thèmes encore. Restaient encore des discriminations telles que l’ASSF a tout naturellement « repris du service », devenant l’Association suisse pour les Droits de la Femme (ADF). Alors oui : encore ! Les buts faisant partie des statuts actuels sont :

A/ Travailler à la réalisation de l’égalité entre hommes et femmes sur les plans juridique, social, politique et économique.

B/ Lutter pour l’élimination de toute discrimination sexiste ; pour atteindre ce but, l’association peut agir en justice.

C/ Encourager l’information et la formation civique des femmes.

D/ Créer des réseaux sur des thèmes spécifiques aux femmes et développer des relations avec des associations féminines en Suisse et à l’étranger.

Sans la vigilance des mouvements féministes, des inégalités criantes n’auraient jamais été dénoncées, ni supprimées. Le congé maternité (2005) et la dépénalisation de l’avortement (2002) ont été obtenus grâce à une mobilisation constante. Ce sont ces mêmes mouvements qui ont permis la création des bureaux de l’égalité, aux niveaux fédéral et cantonal. L’égalité salariale (disparité de 19 % encore !) est réclamée haut et fort et des instruments et logiciels sont proposés aux entreprises et administrations afin de mesurer le chemin qui leur reste à parcourir pour que l’article constitutionnel sur l’égalité ne reste pas lettre morte. En octobre 2015, nous élirons pour quatre ans notre Parlement. Les sections de l’ADF préparent activement leur soutien aux candidates, incitent les partis politiques à établir des listes paritaires, invitent à reconnaître les compétences des femmes en votant pour elles.

 Et Dieu dans tout ça ?

L’ADF, que je préside avec joie et reconnaissance pour deux ans, n’est pas une association ou une institution religieuse et chrétienne, assurément. Mais il y en a tant qui se prétendent telles et sont bien loin de l’être. Et il y en a beaucoup qui ont, de fait, une dimension évangélique tout simplement parce qu’elles sont animées par des femmes et des hommes de bonne volonté. Jésus donne aux femmes une place exceptionnelle pour son temps. Un féminisme, même non confessionnel, ne lui est-il pas alors fidèle ? Il est clair que ma lecture de la Bible et mes engagements paroissiaux protestants influencent mes luttes pour « les droits de la femme ». D’ailleurs, aujourd’hui, dans les religions et les Églises quelles qu’elles soient, la femme est trop souvent dévalorisée, voire opprimée. Comme le disent les principes d’Évangile et liberté, nous affirmons « notre désir de réaliser une active fraternité entre les hommes (et les femmes !) qui sont tous (et toutes !), sans distinction, enfants de Dieu ». Mais d’un Dieu dont l’image est encore si masculine !…

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À propos Martine Chapuis

est présidente de l’Association suisse pour les Droits de la femme. Née en 1944, elle est diplômée de l’École sociale de Lausanne. Engagée dans les activités paroissiales, elle a aussi travaillé auprès des réfugié-e-s et des personnes épileptiques.

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