Appelé dernièrement à m’exprimer devant l’Assemblée Générale de la « Fraternité d’Abraham », j’ai évoqué à la fois l’actualité récente et un concept oublié aujourd’hui, celui de fraternité. Dans le nom de notre association on entend en premier « Abraham », un Patriarche peu familier aux jeunes éloignés de leurs racines religieuses ; mais la « Fraternité » est mise de côté, exactement comme dans la devise de la République française, comme le fait très justement remarquer Abdenour Bidar dans un ouvrage récent. Mais de quelle fraternité s’agit-il ?
On risque de la prendre au sens exclusif, comme dans une confrérie : ainsi des fameux « Frères Musulmans », ou du « mon frère », si utilisé par certaines bandes de jeunes. Mais on devrait plutôt la comprendre au sens inclusif : on réalise en appelant l’autre « Frère » que quelque part, l’autre est en soi, que l’on aurait pu être l’autre, et aussi que l’autre est à notre propre image ; et si on pousse plus loin, on réalise aussi que cela n’est sans doute pas le produit d’un hasard.
L’actualité récente, ce sont bien sûr les attentats du mois de janvier et leurs suites. Comment, d’abord, a réagi le grand public ? Il y a eu certes – et c’est honteux – une forte augmentation des actes islamophobes, il y a eu l’exploitation politique de la peur de l’islam ; mais quand on voit la dignité de l’immense manifestation du 11 janvier et le caractère pacifique des slogans, nous pouvons rester fiers de notre pays. Ensuite, surtout, l’armée veille depuis le début de l’année sur les synagogues et les écoles juives : et cette armée, et notre police, sont le reflet de la diversité de la société française d’aujourd’hui ; des jeunes musulmans comme des chrétiens protègent la communauté juive, et c’est une forme concrète de fraternité.
À l’image donc de ce que nous disent ces hommes et femmes anonymes, que nos institutions religieuses dépassent des mots devenus creux à l’usage, comme « dialogue » : une fraternité concrète vaut mieux que de longs discours.
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