C’était un Grec, né aux environs d’Athènes vers 150. D’une famille païenne, il avait étudié la philosophie en profondeur et possédait une vaste culture. Après sa conversion au christianisme, il se mit à voyager pour approfondir sa foi et rencontrer les maîtres chrétiens les plus célèbres. C’est ainsi qu’il est allé en Italie, en Asie mineure, en Égypte en Syrie et en Palestine. Il fut particulièrement séduit par Pantène, un autre Grec de formation stoïcienne qui enseignait à Alexandrie et avait fondé la célèbre école chrétienne dite du « Didascaléon ».
Alexandrie était à l’époque la capitale intellectuelle du monde méditerranéen. C’était la ville la plus brillante sur le plan du savoir, des arts et même du commerce et de la technique. Un peu plus tard, au IIIe siècle, la ville sera réputée pour son immense bibliothèque qui a brulé plusieurs fois.
Une importante population juive vivait à Alexandrie, provenant à l’origine, de la diaspora qui avait précédé les conquêtes de Nabuchodonosor et l’exil à Babylone (VIe siècle avant J.C.). Beaucoup de Grecs y vivaient aussi depuis la colonisation justement par Alexandre le Grand. Au total, la ville comportait à peu près un tiers de juifs, un tiers de Grecs et un tiers d’Égyptiens. Ceci a permis une bonne synthèse entre les trois cultures. Donc, Clément suivit les cours du Didascaléon et remplaça Pantène au bout d’une dizaine d’années, vers 187. Il participa grandement à cette synthèse entre hellénisme, judaïsme et christianisme en proposant le premier une « théologie de la culture », c’est-à-dire une théologie imprégnée de la culture ambiante, assimilable et compréhensible pour les hommes du monde. À cette époque, les chrétiens cherchaient à se démarquer de la pensée grecque, considérant que sa culture était étrangère au judéo-christianisme. Clément a voulu inverser la tendance : de même que la culture juive a représenté un travail préparatoire au christianisme, de même, la culture grecque a façonné les esprits pour que le christianisme puisse être compris par la suite.
Clément attache donc beaucoup d’importance à la raison, au Logos grec, qui est aussi la Parole, la sagesse de Dieu descendant vers les hommes. L’enseignement du Christ est pour lui une école de sagesse qui récapitule les pensées juive et grecque. La raison vient de Dieu ; elle ne peut donc pas s’opposer à la révélation biblique, car Dieu ne peut pas se contredire. Les philosophes avaient perçu quelque chose de la réalité divine et l’ont exprimé à leur manière. Ils ouvraient ainsi la voie à celui qui l’exprimerait de manière plus explicite. Comment peut-on imaginer d’ailleurs que Dieu n’ait pas profité de l’immensité de la pensée grecque pour y révéler une partie de sa vérité ? Le christianisme n’est donc pas menacé par les cultures du monde païen et juif. Au contraire ce sont elles qui lui ont permis de s’épanouir.
Dans son livre le plus théologique (les Stromates), Clément développe les questions éthiques avant la théologie proprement dite, parce que, pour la philosophie grecque, comme pour le judaïsme, la pratique de la vertu précède l’accès à la connaissance. « L’art de vivre doit accompagner la connaissance intellectuelle, comme l’ombre accompagne le corps au soleil. »
Clément est aussi très influencé par la gnose, comme on l’était à Alexandrie, mais une gnose modérée qui insiste sur l’importance de la connaissance. Il ne veut pas séparer celle-ci (gnosis) de la foi (pistis), qui consiste essentiellement pour lui à connaître Jésus et son message. La vie du chrétien revient à gravir une montagne à deux versants ; l’un est spirituel, c’est la foi ; l’autre est intellectuel, c’est la connaissance. Cette ascension permet de se rapprocher de Dieu et de pénétrer dans sa vérité qui est l’amour. Le gnostique doit entraîner les autres dans cette ascension. Là est son bonheur. Mais l’ascension n’est jamais terminée, parce que « Dieu recule sans cesse et fuit loin de celui qui le poursuit ».
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