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Benjamin Constant

Arrivé à Paris avec Germaine de Staël de sa Lausanne natale, Benjamin Constant (1767- 1830) entre dans la politique active française en devenant l’un des membres les plus écoutés des cercles libéraux. Il entretient avec Napoléon des relations tumultueuses, supportant mal son autoritarisme. Mais on se souvient surtout de lui comme l’auteur du roman Adolphe, inspiré par l’esprit du romantisme. Il s’y révèle comme le peintre subtil et pénétrant des paysages intérieurs. C’est l’individu juge de lui-même car lucide à l’égard de ses multiples agissements. Il observe sans complaisance les moindres tourments de son cœur en laissant la parole à des personnages fictifs.

Ce tourment du romancier qui se souvient de ses propres passions se retrouve aussi dans sa vie politique. Benjamin Constant est déchiré entre une tension vers l’infini et la conscience amère de notre finitude. Il a vécu la Révolution française de l’intérieur, comme une exaltation sérieuse, tout en renonçant à se taire sur ses inconséquences. Il dira « Notre heureuse Révolution », sans pour autant concevoir la Terreur comme un moment nécessaire et incontournable de la dynamique révolutionnaire.

Selon lui, « la Terreur n’a fait que du mal » car elle a perverti les individus au point de les préparer à subir le despotisme des puissants. Elle a corrompu le peuple au point d’entraver ses dispositions à exercer la liberté. Son regard se porte résolument vers l’émancipation du peuple, mais il refuse de croire qu’elle doive trouver sa source dans une conception hégémonique du pouvoir. Il considère que les thèses de Rousseau développées dans le Contrat social ont nourri les débordements du pouvoir populaire. Elles sont devenues un dogme favorisant sa mutation en instrument de la tyrannie. On touche alors la pire des contradictions : le peuple peut se laisser opprimer au nom de sa propre souveraineté. La souveraineté illimitée du peuple, transformée en dogme, peut alors se révéler tout aussi dangereuse que le droit divin. Benjamin Constant défend la liberté de l’individu contre la liberté politique à la Rousseau. Il se méfie de tous les absolus érigés en nécessité incontournable. Comme il le dit lui-même : « Il n’y a de divin que la divinité, il n’y a de souverain que la justice. » Car il s’agit, avant tout, de tracer les limites à tout pouvoir, à définir clairement le domaine dans lequel il doit s’exercer.

Il existe un troisième Benjamin Constant, celui du sentiment religieux. Dans l’ouvrage monumental, intitulé De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements, il se livre en profondeur à une analyse anthropologique de ce qu’il considère commun à l’ensemble de l’humanité. Il voit dans l’aspiration religieuse une composante existentielle fondamentale à la nature humaine. Malgré la conscience de sa finitude, tout être humain aspire à l’infini. Sur ce plan de la religion naturelle, Benjamin Constant rejoint le Rousseau de La profession de foi du vicaire savoyard. Le sentiment religieux fait partie intime de la vie intérieure. Mais l’auteur de l’ouvrage sur la religion ne sépare pas l’élan religieux de la question sociale. Ses domaines d’intérêt ne sont pas étanches. Selon lui, l’aspiration humaine ne se contente pas de rêver à un au-delà, mais œuvre pour accomplir notre vie présente.

Benjamin Constant distingue les religions « libres » ou « naturelles » des religions « sacerdotales » ou « révélées ». Les premières favorisent l’émancipation de l’individu alors que les secondes mènent au cléricalisme, comme sous l’Ancien Régime, lorsque les prêtres et les nobles imposaient leur conception de l’existence à l’ensemble de la population.

À la base de toute attitude altruiste existe une démarche inspirée par la foi. Selon Benjamin Constant, elle est à l’origine de tout dépassement de soi afin de rompre avec les conservatismes de tout ordre. Elle ouvre à l’esprit de liberté.

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À propos Rémy Hebding

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