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Un quart d’heure avant sa mort, il était encore vivant

Encore la mort ! Thème éternel. Angoisse des vivants. Angoisse de Saül qui va mourir. Mais Samuel, qui est déjà mort, se porte bien.

 C’est bien connu, on ne prie pas pour les morts, alors leur parler… C’est précisément ce que fait Saül, le premier roi d’Israël, le premier messie de la Bible, dans ce chapitre qui est l’un des derniers le concernant. Dans peu de temps Saül va mourir, vaincu par les Philistins, rejeté par Dieu à qui il n’a pas obéi. Acculé à cette mort certaine, Saül est désemparé et il va porter ses derniers espoirs auprès d’une sorcière comme d’autres essaient la médecine parallèle en dernier recours. Le texte biblique dit que cette sorcière est efficace et qu’elle parvient à faire remonter Samuel du séjour des morts pour parler, encore une fois, à Saül. Puis le chapitre se termine sur le dernier repas du messie Saül. Tout cela semble bien anecdotique et bien peu important. Pourtant, celui qui prendra le temps de compter les mots des deux livres de Samuel se rendra compte que ce passage se situe à l’exact milieu de cet ensemble littéraire. Cela mérite qu’on s’y penche sans trop de distraction.

 

  L’au-delà intéresse, suscite la curiosité. On consulte les théologiens pour savoir ce qu’il y a après la mort, comment ça se passe. Samuel qui monte du séjour des morts peut être un témoin précieux. Que nous apprendil ? Rien qu’il n’ait déjà dit. À Saül qui l’interroge sur son avenir, Samuel n’a rien de plus à dire que ce qu’il a déjà annoncé et rabâché. Celui qui passe par le séjour des morts n’est pas détenteur d’un savoir supplémentaire. Il n’y a pas de surplus de connaissance dans la mort. Inutile, donc, de se précipiter vers la mort pour bénéficier d’une révélation complémentaire. C’est aussi ce que nous apprendra l’épisode de l’homme riche et Lazare dans l’évangile selon Luc 16,19-31 : un ressuscité d’entre les morts n’apporterait rien de plus que Moïse et les prophètes. Une fois de plus, la Bible nous recommande ne pas porter d’espoir insensé en direction de la mort, qui ne résout pas les problèmes : c’est ici et maintenant que Dieu se révèle dans sa plénitude ou, Un quart d’heure avant sa mort, il était encore vivant 1 Samuel 28 James Woody pour le dire dans des termes moins religieux, nous avons tout à disposition pour réussir notre vie et c’est cette vie là qui compte.

  C’est ce que confirme la fin de ce chapitre. Saül sait qu’il va mourir dans quelques heures. Il est d’autant plus abattu qu’il ne s’est pas nourri depuis vingtquatre heures, précise le texte. À quoi bon se restaurer maintenant ? C’est pourtant ce à quoi la sorcière le contraint, en préparant pour lui un repas digne d’un messie. La sorcière s’avère être une femme sage qui prend soin du corps, jusqu’au bout, de même que Marie prendra soin du corps de Jésus avec excès à la veille de son arrestation, en le couvrant d’un parfum fort cher. À la manière de la sagesse de l’Ecclésiaste, la sorcière affirme par ses gestes que chaque instant mérite d’être vécu. Ce dernier repas du messie le prépare à assumer ce qu’il lui reste à vivre. Cette finale nous dit aussi qu’un homme ne perd jamais sa dignité : même rejeté, il n’est pas abandonné. Même dans ses derniers instants un homme reste un être humain ; il n’est pas un déchet ou un encombrant.

  Il reste que ce récit aux allurs de science-fiction peut agacer les esprits rationnels ou décevoir ceux qui voudraient ramener quelqu’un du séjour des morts et n’y parviennent pas. Le caractère fantastique de ce récit me semble être une bonne manière de dire qu’il n’est pas un aspect de notre histoire qui serait sans Dieu, qu’il n’y a pas de « no God’s land » au sein du monde. Même les situations « odieuses » ne sauraient constituer une terre délaissée par Dieu. Ce faisant, ce récit justifie l’interdit d’invoquer les défunts en montrant qu’il est illusoire d’espérer obtenir auprès d’eux ce qu’on n’arrive pas à obtenir des vivants. La seule fois où Saül parviendra à se lever, au sens de ressusciter, c’est lorsqu’il écoutera, enfin, ce que les vivants lui disent. C’est au verset 23 où se trouve, justement, le centre du livre de Samuel.

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

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