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Un conte de Noël vécu : Auguste Sabatier raconte une parabole vivante

« Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles et tu seras heureux parce qu’ils n’ont pas de quoi te rendre. »

  À la fin du dix-neuvième siècle, les étudiants de la Faculté de théologie protestante du Boulevard Arago faisaient directement l’école du dimanche aux enfants du quartier. Ils étaient conseillés par leurs professeurs ; c’était de la pédagogie appliquée. Mon grand-père était de ces enfants. Une petite fête les rassemblait avec leurs parents pour Noël et, cette année-là, en 1885, rapporte mon arrière-grandpère, c’est Auguste Sabatier lui-même (un des deux fondateurs de la Faculté) qui fut chargé du traditionnel conte de Noël. Il le prit dans une histoire qui lui était arrivée.

  Dans sa jeunesse, étant étudiant à la Faculté de théologie de Strasbourg, il décida de passer ses vacances de Noël à Bâle. La veille de la fête, ne connaissant pas grand-monde, il errait dans la ville mélancoliquement, pensant passer la soirée dans sa triste chambre d’hôtel pendant que tout le monde se réjouirait en famille de la venue du Sauveur.

  C’est alors qu’il rencontra un ami qui, voyant sa tristesse, l’invita à passer la nuit de Noël dans sa famille. Les deux amis arrivèrent dans un logis beaucoup plus cossu que ceux dont Sabatier avait l’habitude. Il s’excusa beaucoup de son indiscrétion et de sa tenue un peu ordinaire. Mais les hôtes furent très accueillants et chaleureux et lui précisèrent qu’en fait il était attendu. La preuve : sous l’arbre de Noël, se trouvait un cadeau marqué « pour l’ami inconnu ». Il était devenu cet inconnu. Il fut vraiment reçu comme le fils de la famille et se confondit en remerciements.

  Plus tard il comprit comment s’expliquait cette grande sollicitude.

  L’hôte si aimable était issu d’une famille misérable. Lorsqu’il avait dix ans, il errait lui-même en pleine détresse dans un quartier chic d’Amsterdam, ne pouvant participer aux fêtes de famille qu’en écoutant la musique qui émanait de tous les hôtels particuliers. Condamné à la misère, il se disait que jamais il ne pourrait participer à de telles réjouissances. Mais voilà qu’il découvrit dans la neige une enveloppe cachetée soigneusement à la cire. À la lumière d’un magasin, il put déchiffrer l’adresse, justement dans ce quartier chic, et alla porter l’enveloppe à son destinataire, qui s’avéra être un riche banquier. Le pauvre garçon, avec ses habits tout moches, n’osa pas entrer dans ces salons somptueux et apprêtés pour la fête, mais insista auprès du valet pour remettre l’enveloppe en main propre. Le maître averti reconnut l’importance du pli, remercia vivement le garçon et, pris de sympathie, l’invita à participer à la fête malgré sa tenue de pauvre. Notre petit ami, très impressionné, accepta timidement et participa joyeusement à cette soirée de Noël. Il repartit chez lui avec des habits neufs et beaucoup de cadeaux pour toute sa famille.

  Plus tard, trouvant l’enfant digne d’intérêt, le banquier s’occupa de lui et de sa famille, lui fit donner de l’instruction et l’aida à commencer, lui aussi, une carrière de banquier. L’enfant devint à son tour un bon bourgeois de Bâle. C’est lui qui reçut, une trentaine d’années plus tard, le jeune Auguste Sabatier. Ce dernier ne devint pas si riche mais il racontait l’histoire avec beaucoup de talent et de finesse.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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