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Le Vierge Joseph

Quand la vie surgit là où on n’y croit plus… telle est l’histoire de Joseph, le vierge. Une lecture iconoclaste de la naissance de Jésus.

   Le récit de la nativité dans Matthieu est bien connu, mais toujours lu du côté de Marie… On peut voir les choses autrement, et le relire du point de vue de Joseph.

   Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus- Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint-Esprit, avant qu’ils eussent habité ensemble.

   Voilà qui est clair : Joseph sait très bien qu’il n’a pas couché avec Marie ; et voici qu’elle devient enceinte. Quelle que soit la cause réelle, pour lui, il n’y a qu’une explication possible : elle a couché avec un autre homme. Là, deux hypothèses sont possibles : soit elle l’a tout simplement trompé, soit cela s’est passé contre son consentement. Une tradition juive dit que le père biologique de Jésus était un soldat romain du nom de Pandéra. Quand on connaît le comportement des armées d’occupations, l’hypothèse d’un viol n’était pas absurde.

   La première idée de Joseph est donc de rompre avec sa fiancée. Mais :

   Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle.

   C’est le premier acte de bonté de Joseph. Normalement, d’après la loi juive, une jeune fille enceinte hors mariage devait être condamnée à mort. Joseph propose de lui laisser la vie sauve ; il ne la dénonce pas, ne la condamne pas, mais lui demande d’aller vivre sa vie ailleurs.

   La situation de Marie promettait alors d’être extrêmement difficile. Livrée à elle-même, cela la condamnait à vivre au ban de la société, dans la plus extrême pauvreté.

   Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint-Esprit.

   L’ange est bien sûr une expression imagée. Cela veut dire que Joseph entend dans son coeur une parole de Dieu. Dans la prière, il comprend quelque chose : ne pas répudier sa fiancée, mais l’épouser et accepter l’enfant qui n’est pas de lui. La raison invoquée peut être comprise de deux manières. La manière habituelle : il n’y a pas eu tromperie puisque l’enfant ne vient pas d’un autre homme mais de Dieu. Une autre lecture possible serait que, s’il accepte de garder sa fiancée et l’enfant sous sa protection, ce n’est pas pour elle, mais pour l’enfant. En effet, qu’elle soit condamnée à errer peut se comprendre, si elle a trompé Joseph. Mais l’enfant, lui, n’y est pour rien. Il n’est pas un enfant du péché ou de la violence. Il est un enfant de Dieu et, pour la Bible, aucun enfant n’est conçu autrement que grâce au Saint- Esprit. Comment condamner un être innocent à une vie d’exclusion et de misère ? Pour l’enfant donc, Joseph décide d’épouser Marie et d’adopter le nouveau-né.

   Cette lecture tout à fait iconoclaste a souvent été faite… et je comprends qu’on veuille l’oublier au plus vite. Pourtant si l’on est un peu ouvert d’esprit, reconnaissons qu’elle ne serait pas sans vertu.

   Ne serait-il pas merveilleux que le salut de l’humanité surgisse dans un tel contexte : au départ, une situation épouvantable, l’écroulement d’un beau projet dans la tromperie ou la violence, avec une religion qui ne fait qu’exclure et condamner. Et voici qu’à partir d’une situation de mort et de souffrance certaine, par la bonté d’un homme, par son pardon, son amour, celui qui n’aurait jamais dû voir le jour va naître, aura une vraie famille et deviendra le sauveur de l’humanité.

   C’est peut-être cela aussi le message de Noël : de la situation la plus épouvantable que l’on puisse imaginer, la vie et la lumière peuvent sortir. Dieu peut transformer le pire du mal en bien, grâce à Joseph, celui qui écoute Dieu, et qui est capable de transgresser les règles humaines, d’aller au-delà des anathèmes et des jugements des « bons croyants », pour simplement faire ce que Dieu lui demande dans son coeur, et en pensant à l’autre. En aimant, en pardonnant en accueillant, il donne la vie et accomplit le plus grand projet de Dieu pour l’humanité.

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À propos Louis Pernot

est pasteur de l’Église Protestante Unie de France à Paris (Étoile), et chargé de cours à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.

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