Moïse Amyraut

Pasteur, théologien du XVIIe siècle, Moïse Amyraut est peu connu ; tolérant et ouvert il eut pourtant un rôle important dans le débat entre prédestination et universalisme. On peut le considérer comme un précurseur du protestantisme libéral moderne.

   Pour Moreri, auteur du Grand dictionnaire historique, dont la première édition date de 1674, Moïse Amyraut est le plus grand théologien protestant français. Bel éloge à la veille de la Révocation de l’Édit de Nantes ! Qui est Moïse Amyraut mort dix ans plus tôt en 1664 et né en 1596 à Bourgueil ?

   Après des études de philosophie puis de droit à Poitiers, Moïse Amyraut étudie la théologie à Saumur. Cette école avait été fondée par Duplecy-Morney qui fit venir en ces lieux des professeurs réputés, tel que Cameron. Comme son illustre fondateur, cette académie allie la rigueur et l’ouverture d’esprit. Amyraut a été élève de Cameron puis en 1633 remplace Daille, parti pour Charenton. Il est donc professeur en même temps que Josué de la Place et Louis Cappel. Tous trois feront la renommée de Saumur.

   Les qualités de Moïse Amyraut auraient déjà été reconnues en 1631. Alors qu’il était pasteur, il a été délégué au synode de Charenton. Ce synode l’envoie en mission auprès du roi (Louis XIII) pour lui adresser les plaintes des protestants. Amyraut parle haut et clair et, surtout, debout face au roi et non à genoux. Ce n’est pas cette attitude ferme et courageuse qui empêche Richelieu d’être admiratif devant les qualités humaines et théologiques de Moïse Amyraut. Admiration égale de la part de Mazarin qui eut de nombreuses rencontres avec Amyraut, notamment à Saumur en 1652. Il est vrai qu’Amyraut a toujours prêché la fidélité au roi, en particulier pendant la Fronde.

   La notoriété de Moïse Amyraut est surtout théologique. En 1618-1619, le synode de Dordrecht, en Hollande, essaye de résoudre la crise Arminienne. Quelques années auparavant, Arminius discutant sur la nature de la prédestination (avant ou après la chute ?) en était venu à la conclusion que le monde était prédestiné au salut. Cette idée a entrainé tout de suite de vives répliques de la part des calvinistes purs et durs autour de Gomar. Hélas la politique vient compliquer les choses ; les gomariens calvinistes sont orangistes et les arminiens plutôt républicains ; plus tard, les arminiens adressent une remontrance aux États de Hollande d’où leur nom de « remontrants* ». Le synode de Dordrecht dont les français sont absents, à cause de l’interdiction de Louis XIII d’y aller, n’a pas réglé la question, malgré la victoire des gomariens. L’Église Réformée en France est agitée elle aussi par le débat. Est-ce le caractère conciliant d’Amyraut qui lui fait élaborer l’idée de « l’universalisme hypothétique » ? Amyraut est universaliste comme les arminiens mais le résultat de ce salut offert est vain car les hommes, pécheurs, sont incapables d’en vivre. Dieu décide donc d’en sauver certains. On passe ainsi de l’universalisme à la prédestination ! On discute beaucoup aux synodes nationaux ! À Alençon ou à Charenton, en 1645, Amyraut finit par s’imposer… On reconnaît bien là un caractère spécial qui cherche à accorder tout le monde. Ainsi Moïse Amyraut travaille autant qu’il le peut à la réconciliation entre les luthériens et les calvinistes (sujet d’actualité depuis le synode de Sochaux de 2007 !). Son oecuménisme va plus loin car il essaye aussi de réunir protestants et catholiques en poussant à une réforme du catholicisme, ce qu’avait voulu Richelieu.

   Cet esprit moderne, tolérant et ouvert, fut trop en avance sur son temps. Sa renommée s’est estompée peu à peu. Mais comment oublier un homme qui, dans la première moitié du XVIIe siècle, défendait l’idée que la foi doit s’accorder avec la conscience de l’homme ?

   Moïse Amyraut est vraiment, par sa manière d’être et ses idées, un précurseur du protestantisme libéral évangélique moderne.

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