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Le Seigneur rassemble tous les expulsés dans sa maison

Étonnante tirade que le début de cette troisième partie du livre d’Ésaïe, qui veut rassembler au sein du peuple d’Israël tous ceux qui en sont chassés…Relisez-la, vraiment. Il semblerait que certaines questions se reposent toujours, de génération en génération.

Nous sommes quelques dizaines d’années après la fin de l’exil à Babylone, au moment où l’on ne sait plus très bien où commence et où finit le peuple élu, qui a le droit de rester sur le territoire et qui ferait mieux de s’en aller. Car l’exil d’une partie du peuple avait crée des mouvements de population dans tous les sens. Certains avaient quitté la terre d’Israël avant les invasions et s’étaient réfugiés en Égypte ou ailleurs. D’autres étaient revenus de Babylone, d’autres y étaient encore, d’autres n’avaient jamais quitté la Judée ou la Samarie. Et surtout, certains étrangers étaient venus s’installer sur la terre donnée aux descendants de Jacob. Chacune de ces populations considérait que c’était elle qui avait droit à cette terre et à la protection de Yahvé.

 C’est à ce moment que commencent à fleurir les généalogies, remontant si possible à l’une des douze tribus d’Israël, pour que chacun puisse bien montrer qu’il a ses papiers en règle et que donc il a le droit de rester sur cette terre. En ce temps-là, comme encore aujourd’hui dans bien des pays, c’était donc l’ascendance, le « droit du sang » qui définissait l’appartenance au peuple.

 

Et voici qu’au milieu de cette idée fixe de la filiation correcte, la voix d’Ésaïe s’élève pour proclamer que Yahvé rassemble son peuple sur la base d’autres considérations : « Veillez à l’équité, agissez selon la justice. » Voilà ce que demande Yahvé à ceux de son peuple. Ce ne sont pas les parentés qui séparent ceux qui ont le droit de rester et ceux qui doivent partir, c’est la façon de se comporter. Si vous pratiquez la justice, vous faites partie de mon peuple. Ésaïe propose une révolution. Il ne regarde plus aux ancêtres, mais aux comportements des demandeurs… d’asile.

 

La proclamation explique ensuite que l’important est de respecter la loi des ancêtres symbolisée par le sabbat, qui rappelle la libération d’Égypte, le traité d’alliance entre Yahvé et son peuple (Dt 5,15). Il récapitule en quelque sorte toutes les traditions d’Israël. Celui qui observe le sabbat est celui qui accepte que le peuple, au sein duquel il demande à vivre, se reconstruise sur la base de ces longues traditions qui remontent à la nuit des temps.

 Ésaïe garantit aux étrangers que, s’ils observent les lois ancestrales, s’ils aiment Yahvé au point de se considérer comme ses serviteurs, ils pourront entrer dans sa maison qui rassemble tous les peuples. Israël doit rester ouvert à tous ceux qui acceptent ses traditions et sa culture.

 

Dans cette situation complexe où l’on ne sait plus bien qui a le droit de faire partie du peuple et qui doit en être exclu, qui peut rester et qui ferait mieux de s’en aller ; dans cette situation où chacun se protège derrière une liste de ses ancêtres pour bien montrer qu’il est en règle, qu’il a tous ses papiers, le courageux Ésaïe s’élève pour présenter un Seigneur qui rassemble largement les « expulsés d’Israël » ; c’est-à-dire tous ceux-là qui devraient quitter le territoire et à qui le Seigneur dit au contraire « J’en rassemblerai d’autres avec ceux que j’ai déjà rassemblés ». Du moment que vous observez mon sabbat et mon alliance, du moment que vous me restez attachés, vous pouvez rester. « Je vous réjouirai dans ma maison. »

 

Le sujet traité n’a donc pas perdu de son actualité. Gardons-nous cependant d’une lecture trop simpliste qui ne tiendrait pas compte des différences de situations entre l’Orient du VIIe siècle avant Jésus-Christ et notre Europe actuelle. Toutefois, si ce texte a été conservé et relu par des générations entières depuis des millénaires, c’est bien parce qu’il contient une sagesse qui a traversé l’histoire. Sagesse de ces prophètes qui se sont élevés contre l’injustice et contre les mauvais traitements infligés aux plus vulnérables. La sagesse des prophètes n’est pas directement transposable à notre monde compliqué. Mais elle l’éclaire de la justice de Dieu qui réclame toujours plus que ce que nous voulons bien concéder. C’est bien pour cela qu’elle est « de Dieu ». *

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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