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Himpathy

 

La Himpathy est un néologisme anglais qui combine Him : lui et le terme pathy, en référence au terme « sympathie ». Dans son excellent livre Down Girl : The Logic of Misogyny, la philosophe Kate Manne a inventé le terme Himpathy, qu’elle définit comme « la sympathie exces­sive parfois déployée à l’égard des hommes auteurs de violences sexuelles ».

Pour moi qui suis une théologienne féministe et in­clusive, je vois même des exemples déplacés de Himpa­thy vis-à-vis de personnages bibliques franchement dé­rangeants comme le roi David. Cet homme n’a aucune limite à sa prédation sexuelle et il a pour habitude de développer des liens excessivement intimes avec tout son entourage – peu importe qu’on considère sa rela­tion avec Jonathan comme étant sexuelle ou chaste, le texte biblique les présente tout de même couchés nus avec une épée entre eux deux. De même, David va reluquer Betsabée au bain rituel réservé aux femmes, puis la fait chercher par ses soldats et la viole – alors que son mari combat à la guerre. Dans un échange de mails récent avec un théologien très célèbre dans notre micromilieu luthéro-réformé, ce dernier a récusé mon interprétation – je crois que David l’a violée –, et m’a soutenu que Betsabée était probablement consentante car, m’a-t-il écrit, « les jeunes femmes sont fascinées par les hommes de pouvoir. Et David fut un roi formi­dable. » Voilà ce à quoi ressemble la Himpathy.

À l’été 2020, un professeur de la faculté de théologie protestante de Strasbourg, a été condamné pour déten­tion de près de 30 000 fichiers contenant de la pédo-pornographie d’une violence inouïe – le jugement est public, il existe des dizaines d’articles.

La faculté a tardé de longs jours à se prononcer. De très nombreuses personnes ont pris sa défense car, voyez-vous « il est néanmoins un excellent bibliste ». Un excellent bibliste qui a payé pour que des enfants se fassent violer. La Himpathy avait de nouveau frappé.

Début février 2023, une enquête complète du col­lectif CLASHES, un collectif d’étudiantes strasbour­geoises, a permis que Rue 89 publie un très long papier extrêmement documenté (vendu à Médiapart depuis) paraisse et mette en lumière que la posture du pro­fesseur de philologie biblique soulevait beaucoup de questions. Deux plaintes pour violences dont une pour viol, des étudiantes qui se passaient le message, d’année en année, de se méfier de ce prof trop sympa avec les jeunes filles, bref, autant de signes inquiétants. À peine l’enquête sortie, des voix se font entendre : « mais c’est un excellent prof, généreux, qui aimait inviter ses étu­diantes à manger. Et il est si brillant… » Encore un pro­fesseur de la faculté de théologie protestante de Stras­bourg, celle où la Himpathy semble compter davantage que la véritable empathie envers les jeunes filles plai­gnantes…

La Himpathy est puissante. Elle accomplit une double magie sociale : effacer les voix de celles qui souffrent aux mains des hommes tout en renforçant le pouvoir des hommes. J’appelle ce tourbillon de vio­lence le patriarcat. Et suivre Jésus nous oblige à regar­der notre complaisance en face et à nommer le mal lorsqu’il envahit nos vies, nos Églises, nos facultés de théologie.

La faculté a tardé de longs jours à se prononcer. De très nombreuses personnes ont pris sa défense car, voyez-vous « il est néanmoins un excellent bibliste ». Un excellent bibliste qui a payé pour que des enfants se fassent violer. La Himpathy avait de nouveau frappé.

Début février 2023, une enquête complète du col­lectif CLASHES, un collectif d’étudiantes strasbour­geoises, a permis que Rue 89 publie un très long papier extrêmement documenté (vendu à Médiapart depuis) paraisse et mette en lumière que la posture du pro­fesseur de philologie biblique soulevait beaucoup de questions. Deux plaintes pour violences dont une pour viol, des étudiantes qui se passaient le message, d’année en année, de se méfier de ce prof trop sympa avec les jeunes filles, bref, autant de signes inquiétants. À peine l’enquête sortie, des voix se font entendre : « mais c’est un excellent prof, généreux, qui aimait inviter ses étu­diantes à manger. Et il est si brillant… » Encore un pro­fesseur de la faculté de théologie protestante de Stras­bourg, celle où la Himpathy semble compter davantage que la véritable empathie envers les jeunes filles plai­gnantes…

La Himpathy est puissante. Elle accomplit une double magie sociale : effacer les voix de celles qui souffrent aux mains des hommes tout en renforçant le pouvoir des hommes. J’appelle ce tourbillon de vio­lence le patriarcat. Et suivre Jésus nous oblige à regar­der notre complaisance en face et à nommer le mal lorsqu’il envahit nos vies, nos Églises, nos facultés de théologie.

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À propos Joan Charras-Sancho

est docteure en théologie, permanente pour une association missionnaire soutenue par les organismes missionnaires français et suisses. Elle est personnellement investie depuis des années dans le champ de la théologie féministe, progressiste et inclusive.

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